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L’ÉVOLUTION DU BOUDDHISME[1]



Mesdames et Messieurs,

Dans une des plus grandes villes de l’Inde, lors des fêtes annuelles où se pressait une foule considérable venue de toutes les régions environnantes, quatre aveugles se rencontrèrent un jour. Rapprochés par leur communauté d’infortune, ils se racontaient leurs plaisirs et leurs chagrins. Ils se trouvèrent d’accord sur un desideratum : aucun d’eux n’avait pu se rendre compte encore de ce qu’était un éléphant. Un grand seigneur, que le hasard avait mis à même d’entendre leur conversation, eut pitié d’eux ; il appela le gardien de ses éléphants, lui dit de conduire les quatre étrangers auprès d’un des animaux confiés à ses soins, et lui recommanda de les laisser toucher et examiner l’animal à loisir. Ainsi fut fait, et les aveugles se retirèrent enchantés, comblant de bénédictions le cornac obligeant et son charitable maître. Puis ils échangèrent leurs impressions. L’un d’eux, qui avait touché la jambe de l’éléphant, déclara qu’un éléphant était fait comme un mortier ; mais un autre l’interrompit vivement :

  1. Conférence faite à la Société d’Anthropologie le 13 juin 1892.