Page:Revue de linguistique et de philologie comparée, tome 37.djvu/363

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— 353 — le latin, le pauvre vieux latin, « ce pelé, ce tondu d’où venait tout le mal », vient, une fois de plus, de se mettre sur les rangs. Sa défense, c’est la Reçue internationale de l’Enseignement qui la présentera, dans son prochain numéro, sous la signature de M. André, sous-bibliothécaire de l’Université de Lyon. Elle est curieuse. Après avoir été la langue universelle pour une moitié du vaste empire ’omain, le latin fut sauvé de la tourmente des invasions par l’Église: elle en fit sa langue. De plus, lors cle la renaissance des idées littéraires et scientifiques, les langues particulières n’ayant pas encore acquis l’unité, la souplesse et la précision dési- rables, le latin devint la langue littéraire et scientifique interna- tionale. Mais il déchut de cet emploi avec le progrès des langues populaires. Cette déchéance fut universelle et parait si totale que, désormais, il est permis de se demander : Qui parle aujourd’hui latin ? Un fait curieux, c’est la permanence de cette langue, jusqu’à nos jours, en Hongrie, en Croatie et en Transylvanie. Là, elle fut la langue de l’Eglise, du gouvernement, des lois; on s’en ser- vait même dans les rapports commerciaux. Ce ne fut qu’en 1825, que les députés se mirent, dans les Diètes, à parler Hongrois ; les députés croates furent fidèles au latin, qui le croirait? jusqu’en 1848. Plus connu est l’emploi du latin par des gens de nationalité différente, comme langue auxiliaire. En voici quelques exemples amusants. Chez les chrétiens d’Extrême-Orient, c’est un instru- ment précieux. Au Tonkin. en Indo-Chine, convertis par des missionnaires portugais, il servit à nos officiers, dans les pre- miers temps de la conquête, pour s’entendre avec les prêtres et les chefs des chrétientés indigènes. C’était, il est vrai, un latin un peu particulier : Habeo navem quadraginta canonum. A Pékin, M. Courant, interprête à la légation, conversait en latin avec un missionnaire catholique espagnol. Il cite ce fait : la mission lyonnaise, après qu’elle eut dû laisser en cours de route son chef, M. Rocher, malade; et qui parlait, lui, parfaitement le chinois, dut avoir recours à des chrétiens indigènes, auxquels les