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22 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

C’est par les mêmes voies détournées et diverses que le savant allait jeter une lumière si vive sur un problème effrayant, problème en face duquel les esprits restent plus calmes depuis que Pasteur a parlé et auquel la reconnaissance populaire a attaché son nom, le problème de la rage.

C’est en 1880 que commencèrent ces difficiles recherches avec la collaboration de Chamberland et Roux. A ces deux aides dévoués se joignit bientôt ce même Thuillier, qui, après avoir trouvé- le microbe du rouget, devait aller trois ans plus tard tomber en Égypte, frappé du choléra qu’il allait étudier sur place.

Un enfant meurt de la rage le 10 décembre à l’hôpital Trousseau. Pasteur vient recueillir de la salive et constate la présence d’un bacille que Maurice Raynaud avait pris pour le microbe de la rage. Mais ce bacille inoculé au lapin produit la mort en deux jours avec une maladie d’allure toute différente. Pourtant la bave contient le principe actif du mal, mais ce principe actif n’est pas stable, puisqu’au bout de vingt-quatre heures ses propriétés sont annulées. Pasteur infeste des lapins avec des portions de centres nerveux (bulbe et cervelet) de chiens hydrophobes, et la maladie apparaît après une incubation longue.

L’expérimentateur trouvait encore là une difficulté à vaincre. L’inoculation dans le crâne après trépanation réduisait cette incubation à une vingtaine de jours, et il était bientôt établi que l’affection ’avait pour siège les centres nerveux. Mais quelle est la nature du germe ? Les granulations minuscules aperçues par Roux dans ses préparations ne fournissaient aucune culture et Pasteur ne voulait pas en rester là. Dans l’impossibilité d’atténuer le virus isolé en milieu artificiel, il appliqua à la substance nerveuse infestée la méthode des passages successifs sur le lapin qui lui avait si bien réussi pour le rouget. Il obtint ainsi des moelles d’une virulence fixe, car jamais l’incubation ne descendait au-dessous de sept jours. Exposées à l’air sec, ces moelles étaient d’autant moins actives qu’elles séchaient depuis plus longtemps. Délayées dans du bouillon, elles furent administrées à des chiens en injections sous-cutanées. En commençant par des moelles de quinze jours, on put descendre sans accident, sur les mêmes sujets, la série des moelles les plus récentes. Et les chiens ne prenaient plus la rage. Mais les virus atténués produisaient-ils leurs effets après morsure ? Des expériences multiples répondaient oui.