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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

ARISTE. — C’est bien cela.

EUDOXE. — Alors, pour que deux choses fussent contiguës, il faudrait qu’il n’y eût entre elles aucun intervalle ?

ARISTE. — Il le faudrait.

EUDOXE. — Comment alors ces choses seraient-elles deux et non pas une ?

ARISTE. — Je ne sais.

EUDOXE. — Mais peut-être que toutes les choses ne forment ensemble qu’une seule chose ?

ARISTE. — Il se pourrait.

EUDOXE. — C’est peut-être ce que l’on veut dire lorsque l’on dit que l’être est un.

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Mais alors nous voilà dans un grand embarras. Car si nous ne disons pas qu’aucune chose n’est contiguë à aucune autre, nous serons forcés de dire que toute chose est contiguë à toute autre.

ARISTE. — Comment cela ?

EUDOXE. — Deux choses quelconques, puisqu’elles ne font qu’un, ne seront séparées par aucun intervalle, et ainsi seront contiguës.

ARISTE. — Je ne vous comprends pas bien.

EUDOXE. — Si une chose est à une distance nulle d’une autre chose, ne dirons-nous pas que ces deux choses sont contiguës ?

ARISTE. — Comment dire autrement ?

EUDOXE. — Mais les parties qui composent ces choses seront, elles aussi, contiguës ?

ARISTE. — Il le faut bien.

EUDOXE. — C’est-à-dire à une distance nulle les unes des autres ?

ARISTE. — Il faut l’accorder.

EUDOXE. — Et aussi les parties de ces parties.

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Dirons-nous donc que la distance n’existe pas ?

ARISTE. — Comment pourrait-on le soutenir ?

EUDOXE. — D’où viendrait pourtant la distance, s’il y a un intervalle nul entre les choses et les parties des choses ? Car la division s’étend à l’infini.

ARISTE. — Je ne vois pas d’où elle viendrait.

EUDOXE. — Donc, puisqu’il existe des distances, il faut dire que deux choses ne sont jamais contiguës, mais qu’au contraire, entre