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G. NOËL.– LA LOGIQUE DE HEGEL. 63

Quoique ce préjugé soit sans fondement sérieux et qu’une lecture quelque peu attentive suffise pour le dissiper, il est à la fois si répandu et si tenace qu’il nous semble utile de le combattre et d’y opposer des arguments directs. Nous rechercherons d’abord si Hegel mérite l’appellation de « spinoziste a, puis, d’une façon plus générale, s’il s’est montré infidèle à la pensée fondamentale du criticisme. Qu’il y ait entre Hegel et Spinoza de nombreuses et remarquables analogies, ’nous n’essaierons pas de le nier. Il y en a entre toutes les philosophies et d’autant plus qu’elles sont plus compréhensives et plus profondes. Or, le juif d’Amsterdam fut incontestablement un penseur de premier ordre et sut honorer autant l’humanité par la hauteur de ses conceptions que par la sainteté de sa vie. Toutefois, pour identifier son système avec celui de Hegel, il faut, semblet-il, s’en tenir à certains résultats généraux et faire abstraction de la méthode qui les fournit ; considérer celle-ci comme un échafaudage provisoire qu’on fait disparaître au plus vite une fois l’édifice achevé. Or, entendre ainsi la méthode, c’est nier implicitement l’hégélianisme tout entier. N’est-ce pas en effet déclarer la médiation étrangère à l’objet même de la science, la réduire à n’être qu’un artifice subjectif, quelque chose d’inessentiel et de contingent ? N’estce point par suite maintenir inaltérée, au sein même de la science où ils devaient s’identifier, l’opposition du sujet et de l’objet, de la pensée et de l’être.

Mais si nous nous refusons à tenir la méthode pour inessentielle et négligeable, comment encore rapprocher les deux philospphies ? La méthode de Spinoza est la méthode géométrique, celle qui, d’après Hegel, convient le moins à la science de l’absolu. Quelque attaché qu’il fût à cette méthode, Descartes avait compris qu’en métaphysique elle ne saurait être servilement imitée. Selon lui, en effet, les difficultés’ de cette science résident moins dans la complexité des déductions que dans la rigoureuse détermination dès principes. Sans tenir compte de cette profonde remarque, Spinoza pose ses principes sous forme de définitions et d’axiomes, comme si les mots de substance, de mode, de cause et d’essence éveillaient dans tous les esprits des idées aussi’claires que ceux de triangle ou de’ cercle. Or, : quelle que soit la clarté relative des idées géométriques, les mathématiciens sont aujourd’hui à peu près d’accord pour reconnaître l’imperfection des définitions traditionnelles et pour soumettre les principes de leur science à une critique nouvelle..Combien témé-