Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/67

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G. NOEL. LA LOGIQUE DE HEGEL.


une contradiction interne ; par suite, c’est renoncer à tout expliquer parla nécessité mécanique, c’est restaurer implicitement la croyance à la finalité. D’autre part refuser aux êtres toute spontanéité interne, c’est leur refuser en même temps toute individualité réelle et faire de la nature un véritable chaos. L’individualité en effet implique entre les parties d’un même individu une liaison différente de la simple juxtaposition, une liaison par laquelle elles se distinguent des parties contiguës de deux êtres voisins. Dire que certaines parties forment un tout réel, c’est dire qu’elles ne sont pas indifférentes à l’existence de ce tout, ou, si l’on veut, à leurs rapports réciproques qu’elles ont une tendance plus ou moins forte à demeurer ensemble. La supposition contraire détruit la réalité du tout ou la réduit à une apparence subjective. Ainsi le système de la nécessité absolue conduit à refuser tout sens aux mots de pensée, de vie. de force, de tendance, voire au mot d’individu. Dès lors, que devient le mouvement ? Réduit à une agitation sans but d’une masse homogène et indéfinie,’ n’est-il pas désormais complètement inintelligible ? Une partie de la masse se déplace pour être immédiatement remplacée par une autre toute pareille. Où est le changement puisque rien n’est changé ? En fin de compte, il ne subsiste plus que l’être éternel, immuable, toujours égal à lui-même. Logiquement l’éléatisme est le dernier mot du spinozisme.

Sans doute -Spinoza n’arrive pas à ces dernières conséquences de sa pensée. La logique de ses conceptions ne le rend pas complètement aveugle à l’évidence des faits. Il n’en est pas moins vrai qu’il se rapproche davantage du réalisme ontologique de Parménide que de l’idéalisme hégélien. L’être, dans son système, est antérieur et supérieur à la pensée ; il ne lui est en rien subordonné, il n’en dépend à aucun titre. Tandis que pour Leibniz ou Hegel, l’explication mécaniste du monde est éminemment relative et provisoire, qu’elle ne se suffit pas à elle-même et requiert une explication plus haute, Spinoza la tient pour définitive et intrinsèquement complète. Pour les deux penseurs allemands la réalité comporte des degrés divers et se mesure à l’intériorité des existences ; toutes pour Spinoza sont situées sur un même plan. Nul progrès, nulle hiérarchie. L’idée d’évolution si caractéristique de l’hégélianisme n’a pas de sens pour Spinoza. Le monde des esprits est à côté de celui descorps il n’est pas au-dessus. Tandis que chez Hegel le premier contient la raison d’être et la vérité du second, il n’en est plus chez tome iv. – 1890.. b ̃