CINQUIÈME
DIALOGUE PHILOSOPHIQUE
ENTRE EUDOXE ET ARISTE
Eudoxe. — À quel sujet vous plaît-il, mon cher Ariste, que nous appliquions aujourd’hui notre raison ?
Ariste. — À notre raison elle-même, si toutefois cela, voue paraît convenable, Eudoxe.
Eudoxe. — À notre raison elle-même, Ariste ! Quoi ? n’est-il pas déjà assez difficile d’appliquer, notre raison à l’étude des choses ? Pour moi j’ai toujours cru que pour oser considérer ainsi la Pensé en elle-même, indépendamment de toute connaissance déterminée, il fallait être ou très jeune ou très vieux ; car un homme d’âge mûr n’est capable, à ce qu’il me semble ni de subir la tyrannie des mots, ni de s’en affranchir.
Ariste. — Excusez, Eudoxe, l’ambition d’un homme très jeune, impatient de réduire à l’unité la multitude des principes, et de les déduire, s’il se peut, d’un principe, unique, qui serait la Raison même.
Eudoxe. — Vous seriez capable, Ariste, de ranimer en moi l’ardeur présomptueuse de la jeunesse. Il m’est arrivé, à moi aussi, de m’irriter contre la multitude des principes, et de vouloir, en les ramenant à un seul, expliquer ce qui explique, et démontrer ce sans quoi on ne peut rien démontrer ; et c’est avec des transports de joie que je rencontrai dans les écrits de l’illustre Kant, la déduction des principes de l’entendement. Je dois avouer que cette lecture me servit beaucoup moins à satisfaire mes exigences systématiques qu’a m’apprendre à me garder d’un goût trop vif pour les spéculations abstraites. Car si le tableau des principes me paraissait plus complet que partout ailleurs, et si la table des catégories, d’où les