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282 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

est en faible proportion avec la population totale ; la petite propriété porte à la stérilité. »

M. Leroy-Beaulieu convient que le poids des impôts, le service militaire, l’absence de liberté de tester, sont des causes secondaires. A son avis la diminution graduelle du taux de la natalité qui parait devoir s’étendre chez tous les peuples civilisés est dû à deux grandes causes i° Dans l’ordre matériel les enfants ne sont plus rémunérateurs et n’apportent pas de revenus aux parents comme autrefois dans les occupations agricoles et industrielles ;

° Le développement de l’instruction, des idées démocratiques, le goût du luxe, la concurrence plus âpre dans les carrières diverses, etc., font appréhender la venue d’un grand nombre d’enfants par ménage. M. Leroy-Beaulieu résume ces causes en disant que la prolificité décroît en proportion du développement du bien-être, de l’aisance, des idées et des mœurs démocratiques nouvelles. Il conclut en disant- que la vraie loi de population se résout à ceci « La civilisation réduit considérablement la natalité ». L’erreur très grave de M. Leroy-Beaulieu consiste à faire intervenir les considérations morales dans l’interprétation des phénomènes économiques ou sociaux. Ce mode de raisonnement provoque, des malentendus considérables ; il substitue des notions purement subjectives aux résultats sans cesse revisables de l’analyse rigoureuse et de l’expérimentation.

M. Arsène Dumont dans son livre instructif Civilisation et Dépopulation, tombe, lui aussi, dans le même travers. Après avoir démontré la fausseté des causes apparentes désignées sous le nom de luxe, vice, misère, concurrence, etc., M. Dumont croit trouver la véritable explication dans la volonté conscieute de n’avoir que peu ou point d’enfants. Alors il étudie les causes qui déterminent cette volonté. La principale serait la forme de la politique française « La France, dit-il, est une démocratie façonnée par la monarchie ». M. Arsène Dumont appartient donc à cette classe d’esprits idéalistes qui continuent d’attribuer aux mœurs, à l’éducation et aux préjugés le pouvoir d’exercer une action sur la marche de l’histoire et le mécanisme de la société ». Il part de ce principe que tout homme tend à s’élever des fonctions inférieures de la société à celles qui sont au-dessus. Il prête gratuitement à « chaque molécule sociale » un instinct « infaillible et fatal qui la fait monter sans cesse vers un « idéal lumineux qui la séduit et l’attire ». Cette