J.-J, GOURD. LES TROIS DIALECTIQUES. 291
l’activité, c’est le plaisir, c’est- ce qui frappe et attire. On ne saurait méconnaître plus radicalement sa nature qu’en le tenant pour un pur déficit, pour un pur « ne pas être », comme le faisait déjà Platon, et comme on le fait si souvent encore de nos jours. Cependant il ne faudrait pas qu’en le sauvant, on perdît plus qu’il n’apporte. S’il est toujours dommage de renoncer à une valeur, il faut pourtant s’y résoudre plutôt que de porter préjudice à une valeur plus grande. Qu’on se pénètre bien de ceci la dialectique religieuse, en relevant l’incoordonné, va se mettre hors la loi, hors la loi pratique et hors la loi théorique. Mais hors la loi se trouve aussi l’erreur, se trouve aussi le mal. Assurément elle s’efforcera de se distinguer de ces puissances désastreuses ; mais comment y parviendra-t-elle de façon à dissiper toute équivoque ? Admettons même qu’elle y parvienne ne court-elle pas le risque de déshabituer les esprits de l’influence salutaire de la loi ? On le sait, ceji’est qu’en maintenant strictement la continuité de celle-ci qu’on réussit à en garantir la -puissance. Seuls, des motifs exceptionnels peuvent autoriser à s’y soustraire. La dialectique religieuse ne se dissimule pas la gravité de cette question. Aussi s’impose-t-elle d’emblée une limite rigoureuse elle ne justifie que les incoordonnés exceptionnels, j’entends exceptionnellement forts. Et cela suffit à écarter les dangers signalés. Les incoordonnés exceptionnels, en effet, se recommandent suffisamment par eux-mêmes. Leur intensité impose le sentiment de- leur valeur. S’ils brisent la continuité de la loi, c’est en vertu d’une puissance souveraine qui n’a pas besoin de la loi. Et l’on peut ajouter que, par une réversion ultérieure, leurs bons effets se font sentir sur la loi elle-même. En outre, ces incoordonnés ne risquent point d’être confondus avec ceux de l’erreur et du mal. En face d’eux, ils sont comme la force en face de la faiblesse. Nous savons, il est vrai, que l’erreur n’est pas une moindre vérité, ni le mal un moindre bien. L’un et l’autre accusent une action positive de destruction, et il arrive à cette action de s’élever à un haut degré de puissance. Que -i d’intelligence déployée parfois dans l’erreur, et de courage dans le mal ! Mais la lumière de l’erreur tourne en obscurité, et le courage du mal en défaillance. L’activité mauvaise n’est jamais qu’une force greffée sur une faiblesse. Je veux dire qu’elle concorde avec un déficit dans la réaction volontaire, avec une crainte lâche dé la lutte, et qu’elle favorise l’abandon aux tyrannies physiologiques et psychologiques les plus déprimantes. On ne peut donc la confondre avec