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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/299

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J.-J. GOURD. LES TROIS DIALECTIQUES. 295

économie morale, de faire du sacrifice une vertu, que de faire en économie politique un mérite de la dépense. » A quelque point de j vue moral que l’on se place, cette conclusion reste vraie. De même que, dans la science théorique, nous ne saurions admettre la disparition de la moindre force, de même, dans la science pratique, nous ne saurions raisonnablement admettre la disparition du moindre bien. Cependant n’arrive-t-il pas qu’on accepte la perte par insouciance, par inertie, par lâcheté même ? Peut-être ; mais cet aquiescement ne ressemble point à celui du sacrifice. Celui-ci ne va pas sans l’effort. Toujours il suppose une lutte énergique, violente, contre nos déter- j minations physiologiques ou psychologiques. On ne l’admire qu’en vertu de son exceptionnelle puissance. Et, s’il doit offrir encore un ] intérêt, un plaisir, pour la volonté, ce plaisir n’a du moins rien de commun avec celui de la faiblesse morale. Il est âpre comme l’air des sommets, et ce ne sont que les forts qui le ressentent. C’est surtout quand il porte sur les biens élémentaires que le J sacrifice apparaît avec son caractère d’absoluité. On voit des gens renoncer de leur plein gré, et avec une décision qui nous étonne, à l’aisance matérielle, à la santé, à la vie même. C’est le savant, ou l’artiste, que fascine une grande découverte ou une grande œuvre ; c’est celui qui aime et se consacre tout entier à son affection c’est l’ascète qui semble prendre une sorte de revanche contre les tyrannies du corps ; c’est le croyant, c’est le soldat, c’est l’héroïque sauveteur. Et qui oserait les blâmer ? Et qui ne voudrait les glorifier ? Cependant rien de plus illogique que leurs actions ! Admettons que les biens auxquels ils renoncent ne soient que des biens inférieurs ; admettons même que ce ne soient pas de vrais biens ; et, sans doute, la dialectique pratique a dû les reléguer bien vite au rang de moyens. Mais est-ce une raison de les négliger ? N’est-ce pas, au contraire, une raison de leur donner la première place dans nos recherches1 ? On peut poser en principe que l’urgence et la valeur propre vont en sens inverse l’une de l’autre. Le bien j inférieur, tant qu’il n’empiète pas sur le bien supérieur, est plus urgent quelui, parce qu’il le conditionne. A plus forte raison le moyen du bien est-il plus urgent que le bien lui-même. Or l’aisance maté- ] rielle, la santé, la vie, conditionnent toutes les séries morales ; les perdre, c’est tout perdre bonheur, intelligibilité, fidélité au devoir. Donc le sacrifice n’en est pas recommandable. Répliquerait-on qu’il peut l’être, sinon dans notre intérêt propre, du moins dans celui des