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J.-J. GOURD. LES TROIS DIALECTIQUES. 29*7

Yi&nia*rianc l’nnTil ! rlf> fniitfi distinction individuelle : ils nous soi-même dans l’oubli de toute distinction individuelle ; ils nous diront, comme Plotin, que leur esprit tend à « ne renfermer aucune différence, ni par rapport à lui-même, ni par rapport aux autres êtres » à ne laisser « rien agir en lui, ni la colère, ni la coricupiscence, ni la raison, ni même la pensée » ; à « devenir la stabilité même », et ils seront résignés. Tout cela est excessif et absurde, dira-t-on avec raison. Cependant n’y a-t-il pas une part de vérité ? j Est-il possible d’accepter sans plainte son malheur, d’en triompher par la résignation, sans sacrifier dans la même mesure sa person- ] nalité ? Non, la résignation n’est complète que lorsque le moi, par un suprême effort, renonce à toute pensée favorable sur lui-même et ses circonstances, s’accepte faible, impuissant, misérable – pourquoi ne pas dire aussi pécheur ? et finalement trouve dans ce sacrifice l’objet même du .sacrifice le bonheur, mais un autre bonheur ; le bien, mais un autre bien. Et c’est ici peut-être que, le pessimisme pourrait recevoir quelque justification. Celui qui,n’a pas senti, à un moment de sa vie, l’attrait du nirvana boudhique, celui qui n’a jamais abdiqué toute prétention de son moi, même la prétention au bonheur, ou bien n’ajamais éprouvé la grande souffrance de 1 l’être, ou bien n’a pas été capable de l’intensité de vie spirituelle que ce sacrifice réclame..

Or, comment la morale consentirait-elle à l’abdication du moi ? j Ce serait renoncer à une importante catégorie de sentiments. Sous l’empire de jugements favorables au moi, il se produit en nous une sorte d’ébauche de l’activité dont nous nous croyons capables, et par conséquent des biens que nous estimons pouvoir obtenir. Est-ce là j de l’égoïsme ? En tout cas, pas de celui que la loi condamne. Rien de plus conforme aux exigences de la morale que ces sentiments personnels. Remarquons, en effet, qu’ils sont inhérents à une activité diffuse. Le jugement favorable au moi n’a pas ordinairement d’objet précis ; on se sent capable de certaines choses, mais j sans que ces choses se dessinent nettement à l’esprit. En outre, l’activité idéale est toujours plus vague que l’activité réelle. Or .cela même est un avantage. La morale ne recherche-t-elle pas-les plaisirs sériés, et n’est-ce pas dans des conditions comme celles-ci que les séries peuvent être le plus étendues ? Ce qui a du relief s’use, provoque, des. résistances, n’exerce qu’une souveraineté passagère ; ce qui est vague, au contraire, donne lieu à,un groupement, rapide et constant. La richesse des sentiments personnels leur assure une