304 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
tuent la religion disparaissent nécessairement, en même temps que ceux de l’erreur et du mal. Au premier abord, sans doute, l’immanence panthéiste semble nous solliciter à sortir de nous-mêmes et à vivre d’une belle et large vie, mais elle nous réserve de graves déceptions. Sa poésie est captivante, comme celle des vastes coordinations mais ce n’est pas celle du sublime, ce n’est pas celle de l’espérance, ce n’est pas celle du sacrifice. Peut-être nous préparet-elle à la religion, mais certainement elle ne nous y conduit point. L’immanence de la dialectique religieuse ne nous y conduit pas non plus, mais parce que nous y sommes déjà avant elle et qu’elle n’a plus qu’à nous y fortifier.
Cependant le Dieu immanent n’est pas encore assez Dieu. Il faut passer par lui, il ne faut pas s’en tenir à lui. N’oublions pas que la dialectique religieuse est appelée à suivre pas à pas les autres dialectiques que leur succès rend indispensable le sien ; qu’elle est tenue de leur fournir un contre-poids direct, de leur opposer valeur pour valeur, intensité nouvelle pour extension nouvelle. Or voici, le Dieu immanent est bien disséminé. Il l’est d’autant plus que la dialectique l’amisplus fortement en contraste avec son entourage. Cette opération adisloqué et presque fragmenté la réalité. La trame subsiste sans doute, mais elle est devenue beaucoup moins visible. Ce qui frappe maintenant, ce sont les reliefs, et entre ces reliefs on croirait apercevoir des intervalles. L’absolu acquiert ainsi une sorte de multiplicité. La doctrine de l’immanence est aussi celle du polythéisme. Or, je veux bien que le polythéisme, des que nous quittons le domaine de la science, soit moins déplorable qu’on ne l’a pensé quelquefois, et je suis prêt à reconnaître que, bien compris, il offrirait les éléments les plus importants de la dialectique religieuse, qu’il constituerait une véritable, une bonne religion. Toutefois il affaiblit l’absolu en le répétant. Toutes ces apparitions divines se nuisent réciproquement par leur multiplicité même. Pour paraître’ vif, l’absolu suppose quelque exclusivisme. Ne connaît-on pas les charmes, l’attirance, de « la chose unique » ? Peut-être est-ce à un sentiment de ce genre qu’il faut rattacher l’étroitesse de tant d’esprits religieux. A côté de l’orgueil qui en pousse un si grand nombre à se déclarer seuls en possession de la religion définitive, à côté de l’ignorance et de la faiblesse intellectuelle des autres qui les rend incapables d’élargir leur horizon, n’y a-t-il pas quelquefois – j’hésite à le dire,’ mais, en tout cas, ce serait à force de compréhension