Aller au contenu

Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


À PROPOS DE LA GÉOMÉTRIE GRECQUE

UNE CONDITION DU PROGRÈS SCIENTIFIQUE[1]


La Géométrie, telle qu’elle est exposée dans Euclide, est une science désintéressée. La forme de la rédaction autant que la matière du livre donnent vite au lecteur l’impression très vive de ce désintéressement.

D’une part, c’est la longueur même de la rédaction, l’insistance minutieuse à appuyer sur tous les détails d’une démonstration, la patience avec laquelle le géomètre s’attarde à fermer toutes les issues à un contradicteur supposée, le souci exclusif de clarté et de rigueur, qui montrent à quel point la préoccupation du savant n’est pas d’aboutir à quelque application pratique.

D’autre part, l’ordre, la symétrie de toutes les parties d’un problème ou d’un théorème semblent suivre des règles fixes, comme s’il s’agissait des parties successives d’un poème.

La πρότασις énonce d’abord d’une manière générale le théorème à démontrer ou le problème à résoudre. Par exemple « Sur une droite donnée et finie, construire un triangle équilatéral. » Puis vient régulièrement l’ἕχΘεσις ; qui pose les données avec figure et notation particulières « Soit une droite donnée et finie. » Le προσδιορισμός vient rappeler aussitôt avec précision quel est le problème à résoudre sur ces données : « Il faut construire sur la droite donnée un triangle équilatéral. » Et enfin la χατασχεύη indique la série des constructions auxiliaires « Du centre avec pour rayon décrivons la circonférence  ; du centre avec pour rayon décrivons la

  1. Nous donnons, sous ce titre, le résumé de quelques leçons de notre cours de cette année.