Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/437

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G. MILHAUD. – UNE CONDITION DU PROGRÈS SCIENTIFIQUE. 433’ sociétés savantes, les comptes rendus des Académies ; jetez les yeux sur ces publications dont le nombre est devenu fantastique vous constaterez aisément que, pour une application pratique, pour une découverte annoncée, c’est par centaines que vous pouvez compter les études de théorie pure dans tous les ordres d’idées. En mathématiques, par exemple, et en mathématiques pures, dans le domaine propre de la spéculation scientifique, dans le domaine en tous cas le plus éloigné de tout souci matériel, les savants nous donnent le spectacle d’une activité prodigieuse.

D’autre part, quand on cite les merveilles de la méthode expérimentale moderne, se rend-on un compte exact de son véritable caractère ? Si, laissant de côté les sciences à peine sorties de l’empirisme, nous, allons tout droit au laboratoire du physicien, là où cette méthode expérimentale se trouve, de l’aveu de tous, dans les condilions les plus conformes à ses exigences, nous n’aurons pas de peine à découvrir dans son fonctionnement autre chose qu’un enregistrement pur et simple de faits provoqués et observés. Et ce n’est pas seulement l’idée directrice de Claude Bernard, dont nous voulons parler, cette idée qui n’est qu’une sorte de divination anticipée, une hypothèse servant de fil conducteur, mais ne s’élevant au-dessusdes faits sensibles, tels qu’ils. sont perçus par nous, que pour tâcher d’y saisir quelque coordination, quelque enchaînement. Cette idée, qui à son tour réagit il est vrai sur la suite des expériences, y trouvait déjà cependant l’origine, l’occasion de sa formation, et elle ne la dépasse en somme que de la puissance d’ingéniosité et d’imagination de l’expérimentateur. L’intelligence du savant intervient bien. autrement encore. Elle apporte, dans l’interprétation des faits, une provision de théories, de constructions tout élaborées, un ensemble désignes, de conventions, un langage complet, à travers lequel le moindre détail d’une expérience d’optique ou d’électricité, par exemple, prend toute sa signification. Entrez sans préparation dans le laboratoire d’un physicien, et assistez à quelque expérience importante. Entre ce que vous verrez, ce que vous observerez, et ce que notera le savant, ce qu’il dira lui-même pour rendre compte de l’expérience, il y a une distance énorme qui ne pourrait être franchie que par une longue initiation théorique La méthode expérimentale, là . Cf. Duhem, Quelques réflexions au sujet de la Physique expérimentale, Revue des questions scientifiques, juillet 1894, et notre article » la Science rationnelle », Revue de Métaphysique, mai 1896.