Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/547

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L. BRUNSOHVICG. – SPIRITGALISME ET SENS COMMUE. 343 : Plus clairement encore apparaîtra devant le problème moral le devoir du sens commun. Dès qu’il pose l’alternative que le bien est ou n’est pas, le sens commun se trouve,, à son insu et malgré lui, engagé dans la plus insoluble des difficultés métaphysiques. Que serait le bien en soi ? Pour avoir une réalité indépendante, il faudrait au moins qu’irconsistât dans quelque acte déterminé, dans quelque loi inviolable. Or, supposer que la certitude de l’ordre moral implique l’existence d’une règle universelle, c’est se condamner soit au scepticisme qui paralyse, soit à un dogmatisme qui refuse de discuter, ce qui est encore une façon de douter, et la plus incurable. Le vrai sens commun renonce à l’idole du bien en soi, entité abstraite inter- ` posée entre l’agent et l’acte ; il ne met pas la valeur morale dans un acte matériel, mais là où seulement elle peut être, dans la vie spirituelle. Certes, on compatit naturellement à la faiblesse des hommes qui demandent la sécurité de la conscience à quelque commandement précis, à quelque œuvre extérieure ; mais la pitié n’est efficace qu’à la condition d’avertir et de guérir. Et le remède, ici, n’est-il pas de se convaincre que le progrès moral est nécessairement le progrès de l’être intérieur, que c’est par delà les disciplines et les œuvres qu’il convient de le chercher, dans l’inquiétude du perfectionnement continu, dans la transformation totale de la vie spirituelle ? Enfin l’intelligence du problème de la vérité et du problème moral prépare l’intelligence-du problème religieux qui a entraîné pendant des siècles des méprises profondes et mortelles. Iciencore le problème semble se résumer dans une alternative Dieu est ou n’est pas’. Mais, sous la simplicité apparente de l’expression, l’affirmation que Dieu est a de quoi confondre la réflexion du penseur droit et intègre. Car ou l’existence, telle qu’elle est attribuée à Dieu, ne ressemble en rien à aucun genre d’existence connu, et alors l’affirination échappe, non seulement à toute justification, mais même à toute détermination ; ou j l’existence est conçue par assimilation à l’existence des individus î vivants, et alors, par la façon dont il est affirmé, Dieu est nié. Qu’on s’y résigne ou non, et de quelque détour qu’on le dissimule, l’athéisme apparaît comme le terme inévitable de l’alternative qui fait de Dieu un objet, et demande la preuve d’une existence séparée c’est ce qu’il importe de répéter aujourd’hui, au milieu de tant de fantaisies renaissantes, pour empêcher la prescription, du véritable esprit religieux. Il y a dans les textes sacrés une parole dont nulle exégèse ne peut effacer le sens simple et profond Vous adorerez Dieu en esprit et en