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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/562

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588 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE. ET DE MORALE.

puis me tromper quand je sacrifie l’une à l’autre. Dans tous ces « cas de conscience », les défaillances morales sont des erreurs intellectuelles, et ces erreurs tiennent moins à la négligence de l’agent qu’à la complexité des problèmes aussi, suivant les temps et les modes, considère-t-on les mêmes actes comme des crimes ou comme des vertus abandonner sa famille, par exemple, est un crime en temps de paix, une vertu en temps de guerre, et pourtant, dans les deux cas, l’esprit croit obéir à la même loi. C’est que l’enchevêtrement des théorèmes moraux crée des confusions et des violations involontaires de la justice absolue.

Bien que l’axiome moral soit évident, il donne naissance à des erreurs, parce que les hommes ne savent pas toujours dans quels cas ils doivent l’appliquer. Toute proposition, en morale, établit entre plusieurs termes des rapports d’égalité ou d’inégalité elle suppose donc un jugement sur la valeur de ces termes ; mais ce jugement peut être erroné je puis me tromper sur ma propre valeur et sur celle d’autrui. De ces erreurs naissent les injustices les plus graves et les plus nombreuses.

L’homme peut se tromper sur sa propre valeur il peut se croire supérieur ou inférieur à ce qu’il est l’orgueil ou l’indignité m’orale résulte de cette erreur. Mais par cela même qu’il se trompe sur son propre compte, il se trompe sur le compte d’autrui dès lors il est incapable d’appliquer les règles de la justice sociale. Les apparentes contradictions de la conscience humaine tiennent aux variations de l’intelligence qui ne sait pas toujours juger la valeur des hommes et qui change d’opinion sur les caractères qui constituent cette valeur. Entre le sauvage qui mange son semblable et le chrétien qui veut le bien de son ennemi, il semble qu’il n’y ait rien de commun ces deux hommes pourtant se croient justes. La justice o nous dit « Ne tue pas ton semblable, ne fais pas que ton égal soit réduit au néant » en dépit de l’apparence, elle donne au meurtrier le même avis il n’a pas, au moment où il agit, l’opinion qu’il est en face d’un de ses semblables ; sa propre personnalité fait écran aux personnalités analogues ; l’être qu’il rencontre n’est pas un homme, mais une chose dont il a besoin pour vivre. « Quel mal vous avait fait cette pauvre femme ? demande-t-on à un assassin. – Aucun S.