P. LACOMBE. – DU COM1QOE ET DU SPIRITUEL. 889
Somme toute, nous avons discerné quatre façons d’avoir-de l’esprit 1° feindre un caractère comique et parler en conséquence ; ° relever dans autrui avec gaieté ou malice une inconvenance ; ° donner la teinte plaisante à quelque chose au moyen d’une analogie plus ou moins poussée ; A* produire de la surprise en jouant avec les mots.
Est-ce que je tiens cette classification pour absolument complète ? 2 Elle est complète pour moi, et pour le moment ; c’est-à-dire que pour le moment je ne vois pas d’autre distinction à faire mais je n’ai garde d’oublier un mot de Voltaire dans son article du Dictionnaire ^philosophique « Et enfin je vous montrerais toutes les différentes façons de montrer de l’esprit, si j’en avais davantage ». Entre les distinctions que j’ai faites, il en est une cependant qui m’inspire quelque peu plus de confiance.
Trouver une analogie comme celle du mendiant dans l’exemple de Fontenelle, et rendre par là plaisante une chose qui de soi ne l’est pas, qui ne le devient que par cette sorte d’application extérieure, me paraît un procédé décidément à part. Mettez si vous voulez tout le reste en un même bloc, cela n’en fait pas moins deux genres irréductibles.
En revanche, là où l’on pourrait distinguer bien plus que je n’ai fait, c’est dans ce genre d’esprit qui tient à la langue, tellement que, si vous changez le tour, ôtez la figure, l’effet s’évanouit. Il faudrait donc, pour bien faire, distinguer les tours, énumérer les figures, et pénétrer la psychologie de tout cela. Le sujet est tout neuf ; il a de quoi tenter. Mais j’ai bien peur qu’on ne le trouvera pas aisé. Je me contenterai ici d’une remarque toutes les figures de rhétorique, hyperbole, litote, antiphrase, périphrase, métonymie, synecdoque, = dont le style grave tire parti pour produire l’émotion sérieuse ou triste, ou poignante, sont employées par l’esprit comique ou plaisant, et, maniées par lui, servent très bien à produire des émotions contraires. N’est-ce pas surprenant, à première vue ? Mais c’est que l’émotion primordiale dont l’auteur est animé, triste ou gaie, peint de sa couleur les figures, les tours, neutres par eux-mêmes. L’émotion est le fond du fond. Et c’est parce qu’elle est cela, qu’on peut constater entre le comique et le spirituel, et puis entre tous les genres d’esprit une similitude foncière qui les unit cette similitude, c’est l’émotion malicieuse ou gaie. On observera sans doute qu’ayant deux nuances je ne fais pourtant qu’une couleur, une seule émo-