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H. POINCARÉ.Réponses à quelques critiques.

analytique, et alors c’est arbitrairement qu’on lui attribue un sens géométrique. » (p. 660).

« D’autre part, l’effort d’accommodation ne donne par lui-même aucune indication sur la distance de l’objet. » (p. 661)

« L’espace géométrique est le seul qui ait une valeur objective, à la fois scientifique et pratique, c’est celui où nous localisons nos perceptions, où nous projetons nos figures, et ou nous construisons le monde physique… » (p. 662)

Ainsi M. Couturat croit avoir l’intuition directe du point géométrique, et il considère par conséquent toute définition ou comme inutile, ou comme arbitraire.

Ou du moins il exige que toute définition du point, comme celle de toute notion géométrique, ait un caractère « géométrique » et non pas purement analytique.

Mais qu’entend-il par caractère géométrique ? Qu’est-ce qui distingue les notions géométriques des notions purement analytiques ? Est-ce d’être susceptibles de représentation ?

Cela ne paraît pas être la pensée de M. Couturat : l’effort d’accommodation, dit-il, ne nous donne aucune indication sur la distance or les « visuels » se représentent habituellement la distance d’un objet en se représentant l’effort d’accommodation correspondant. C’est donc que la distance est autre chose que la représentation de la distance, et cependant elle doit conserver ce que M. Couturat appelle le « caractère géométrique ».

Moi, je ne comprends pas ce que c’est que ce « caractère géométrique ». Or M. Couturat juge probablement cette notion tellement claire qu’aucune définition n’en est possible et qu’il sera hors d’état de me l’expliquer.

Le troisième passage que j’ai cité plus haut est encore plus explicite.

C’est dans l’espace géométrique que nous localisons nos perceptions. Qu’est-ce à dire ? Cela veut-il dire que nous nous représentons les objets dans l’espace géométrique ? Mais nos représentations ne peuvent être que la reproduction de nos sensations ; on ne peut donc se représenter les objets que dans l’espace sensible, tout à fait différent (nous sommes d’accord sur ce point) de l’espace géométrique.

Cela veut-il dire, au contraire, que nous raisonnons sur le monde extérieur comme s’il était dans l’espace géométrique ? Où est alors