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FRAGMENTS DE JULES LAGNEAU
D’APRÈS SES MANUSCRITS[1]

1
(Lettre sur la finalité dans Spinoza. Février 1889)[2].

Monsieur,

Vous ne me demandez pas, je pense, si la doctrine de Spinoza, sur les points qui vous irritent, est intelligible jusqu’au fond, c’est-à-dire est la vérité (je suis loin de le croire)[3], mais seulement si, dans les limites où Spinoza l’a conçue, on peut l’accorder avec elle-même : je crois qu’on le peut.

La difficulté que vous y trouvez tient, ce me semble, à ce que vous ne dépouillez pas les termes de Spinoza de tout sens qui ne résulte pas de ses définitions.

Vous dites que dans sa doctrine tout est éternel. Non pas, mais tout est nécessaire, et il y a deux nécessités, celle de l’essence et celle de l’existence ; la première seule est éternelle, la deuxième n’y a aucun rapport, c’est la nécessité fortuite, contingente des modes des déterminations singulières et changeantes de la substance, dont l’ensemble seul (mouvement, force constante de l’univers, entende-

  1. L’auteur de cette publication s’est interdit de grouper ces fragments dans un ordre quelconque. Il s’est conformé au désordre des manuscrits. Cela peut être un obstacle à une lecture rapide et à un examen superficiel, mais non point à la méditation patiente et approfondie dont ces fragments doivent être l’occasion. Un commentaire, que la Revue publiera prochainement, guidera dans ce travail les esprits jeunes et inexpérimentés.E. Chartier.
  2. Il a paru utile de réimprimer, en tête de ces fragments, cette lettre que les lecteurs de la Revue connaissent déjà. Il est indispensable, si l’on veut méditer avec profit les fragments de J. Lagneau, de se pénétrer d’abord des idées fondamentales du Spinozisme, et notamment de la distinction entre la nécessité de fait et la nécessité rationnelle, distinction qui est expliquée ici. E. C.
  3. Voir notamment 63.