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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/130

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J. LAGNEAU.FRAGMENTS.

(corps) ou la formule de ce type (âme). Toute essence existante est donc cause réelle d’une série indéfinie d’effets, puisqu’elle est mouvement ou idée de mouvement, c’est-à-dire que dans tout être comme nous une variation de son mouvement essentiel suivra toujours une autre variation, et l’idée de la variation nouvelle celle de la précédente indéfiniment, en vertu de l’inertie (conatus ou vis, etc.).

Mais cet être (ce mode) modifié sans fin appartient à un monde d’autres modes qui le pressent de toute part et lui communiquent des mouvements qu’à son tour il transmet. Ces mouvements peuvent lui être conformes ou contraires, à toutes sortes de degrés. Ainsi, si vous donnez l’impulsion au volant d’une machine, si vous en graissez les rouages, ces mouvements extérieurs seront conformes à sa natures ; vous en heurtez un rouage dans une direction autre que celle dans laquelle il se meut, si vous en augmentez le frottement par quelque moyen, ces mouvements lui seront contraires ; les premiers augmenteront sa puissance, c’est-à-dire multiplieront ses effets, les seconds la diminueront et pourront même la supprimer en brisant la machine. En d’autres termes les premiers suivront de la machine transformée selon sa formule propre, et leurs effets étant intelligibles par cette formule seront réputés actions de la machine, tandis que les autres, contraires à cette formule, auront des effets qui ne seront pas intelligibles par elle, et que la machine sera réputée avoir pâti dans la mesure même où son action aura diminué.

Il ne faut donc pas confondre l’essence du mode, qui est abstraite et dure immuable à travers ses affections diverses et inégales jusqu’à ce qu’elle disparaisse brusquement de l’existence, vaincue par les autres, avec les actions qui en découlent, plus ou moins favorisées ou gênées par le système fortuit, contingent, des circonstances au milieu desquelles elles se développent et par lesquelles elles existent comme aussi elles seront détruites à la fin avec l’existence même de l’essence dont elles procèdent. Ces actions constituent la puissance actuelle du mode. L’essence de ce mode, tant qu’elle existe (conatus, vis…) produit donc des effets en lui et hors de lui : par suite on peut dire que le conatus (l’inertie), suivant les circonstances, développe autant qu’il peut la puissance de l’être, mais il ne faut pas dire, et Spinoza ne dit jamais, que le mode tend (conatur) à augmenter son être et sa puissance l’augmentation de son action peut résulter du conatus, rien de plus. Donc point de finalité puisqu’il n’y a point de bien poursuivi, et que ce que nous nommons le bien est simplement