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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

ils ont précisément à résoudre le problème qui nous occupe ; ils doivent, sans être à Paris, calculer l’heure de Paris.

Comment s’y prennent-ils ?

Ou bien ils emportent un chronomètre réglé à Paris. Le problème qualitatif de la simultanéité est ramené au problème quantitatif de la mesure du temps. Je n’ai pas à revenir sur les difficultés relatives à ce dernier problème, puisque j’y ai longuement insisté plus haut.

Ou bien ils observent un phénomène astronomique tel qu’une éclipse de lune et ils admettent que ce phénomène est aperçu simultanément de tous les points du globe.

Cela n’est pas tout à fait vrai, puisque la propagation de la lumière n’est pas instantanée ; si on voulait une exactitude absolue, il y aurait une correction à faire d’après une règle compliquée.

Ou bien enfin ils se servent du télégraphe. Il est clair d’abord que la réception du signal à Berlin, par exemple, est postérieure à l’expédition de ce même signal de Paris. C’est la règle de la cause et de l’effet analysée plus haut.

Mais postérieure, de combien ? En général, on néglige la durée de la transmission et on regarde les deux événements comme simultanés. Mais, pour être rigoureux, il faudrait faire encore une petite correction par un calcul compliqué ; on ne la fait pas dans la pratique, parce qu’elle serait beaucoup plus faible que les erreurs d’observation ; sa nécessité théorique n’en subsiste pas moins à notre point de vue, qui est celui d’une définition rigoureuse.

De cette discussion je veux retenir deux choses :

1o Les règles appliquées sont très variées.

2o II est difficile, de séparer le problème qualitatif de la simultanéité du problème quantitatif de la mesure du temps ; soit qu’on se serve d’un chronomètre, soit qu’on ait à tenir compte d’une vitesse de transmission, comme celle de la lumière, car on ne saurait mesurer une pareille vitesse sans mesurer un temps.

XIII. — Il convient de conclure.

Nous n’avons pas l’intuition directe de la simultanéité, pas plus que celle de l’égalité de deux durées.

Si nous croyons avoir cette intuition, c’est une illusion.

Nous y suppléons à l’aide de certaines règles que nous appliquons presque toujours sans nous en rendre compte.

Mais quelle est la nature de ces règles ?