Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/216

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Remarque essentielle. Les oppositions quelles qu’elles soient, de séries, de degrés ou de signes, peuvent avoir lieu entre des termes réalises soit dans un même être (une même molécule, un même organisme, un même moi), soit dans deux êtres différents (deux molécules ou deux masses, deux organismes, deux consciences humaines). Mais il importe de bien distinguer ces deux cas. Cela importe d’abord au point de vue d’une autre distinction non moins essentielle et qui consiste à ne pas confondre le cas où les termes sont simultanés et celui où ils sont successifs. Dans le premier cas, il y a choc, lutte, équilibre ; dans le second cas, il y a alternance, rythme. Dans le premier cas, il y a toujours destruction et perte de force; dans le second, non. Or, quand elles se produisent dans le sein de deux êtres différents, les oppositions quelconques, qu’elles soient de séries, de degrés ou de signes, peuvent être simultanées ou successives, luttes ou rythmes ; mais, quand leurs termes appartiennent à un même être, à un même corps ou à un même moi, elles ne peuvent être simultanées aussi bien que successives que si elles sont des oppositions de signes. Quant aux oppositions de séries et de degrés, dans cette hypothèse, elles ne comportent que des termes successifs, alternatifs. Par exemple, il ne se peut que la vitesse d’un mobile dans une même direction donnée augmente et diminue à la fois, ce n’est possible que successivement ; mais il se peut qu’il soit animé à la fois de deux tendances à se diriger en deux sens contraires : c’est le cas de l’équilibre, symbolisé souvent par la symétrie de formes opposées, notamment dans les cris taux. Pareillement, il ne se peut que l’amour d’un homme pour une femme soit tout à la fois en train d’augmenter et de diminuer, cela n’est possible qu’alternativement, mais il se peut qu’il aime à la fois et haïsse cette même femme, antinomie du cœur réalisée par tant de crimes passionnels. Il ne se peut que la foi religieuse d’un homme aille à la fois en croissant et en décroissant, cela n’est possible que successivement, mais il se peut qu’il porte à la fois dans sa pensée, sans s’en douter le plus souvent, l’affirmation énergique et la négation implicite non moins énergique de certains dogmes, telle croyance chrétienne et tel préjugé mondain ou politique qui la nie. Enfin, il ne se peut, évidemment, que la même molécule passe à la fois par une certaine série de transformations chimiques et par la transformation inverse, ni que le même homme perçoive à la fois en deux sens opposés la même série d’états psychologiques, cela