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Page:Revue de métaphysique et de morale, 1899.djvu/23

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H. BOUASSE. — sciences mathématiques et expérimentales

cien reprend le même sujet et estime obtenir la même approximation. Les résultats des deux observateurs diffèrent de 1/100 ; c’est l’histoire de tous les jours : ils ont oublié une erreur systématique.

Veut-on un exemple avec des noms : il s’agit de physiciens dont l’habileté est incontestable. M. Cornu mesure la vitesse de la lumière et donne le nombre 298 500 kilomètres par seconde avec une erreur à craindre sur le résultat de 1/300. Plus tard il évalue cette vitesse à 300 400 kilomètres avec une approximation de 1/1000, ce qui donne avec les précédentes mesures une différence de 1/160 et non de 1/300. M. Michelson, reprenant le travail, donne 299 820 kilomètres, nombre qui diffère du précédent de 1/500. Or, à moins qu’on veuille revenir « aux grâces suffisantes et qui ne suffisent pas », n’est-il pas bizarre qu’on annonce une « erreur à craindre sur son résultat » de 1/1000 et qu’un autre, quatre ans après, donne un nombre qui diffère du précédent de 1/500. Je ne veux pas m’amuser aux dépens des astronomes et de leurs calculs sur la parallaxe les valeurs admises au commencement du siècle et de nos jours diffèrent de 8 fois l’erreur qu’on avait, paraît-il, à craindre.

La concordance des expériences effectuées par un physicien à l’aide d’un même appareil ne prouve absolument rien que sa bonne façon d’opérer et la régularité de son travail. Il ne suffit pas d’avoir des ouvriers excellents, des outils sans défauts et de construire des appareils merveilleux, pour supprimer les erreurs systématiques. Les mettre en évidence revient souvent à faire une importante découverte et présente toujours une extrême difficulté. Répéter les mesures pour en avoir un nombre suffisant, leur appliquer la théorie, calculer une erreur à craindre sur le résultat, c’est perdre bénévolement un temps qu’il vaudrait mieux employer à perfectionner la méthode. On ne fait pas de l’exact par l’accumulation du faux. On m’a raconté que dans la salle méridienne de l’Observatoire de Paris, le thermomètre servant aux corrections était, il y a dix ans et depuis plus de 50, accroché au mur et non pas à la lunette elle-même : la différence des températures était de plusieurs degrés si l’histoire est vraie, il eût été préférable de faire moins d’expériences et d’apporter plus de soin aux corrections.

Certains sont à ce point médusés par la théorie des erreurs, qu’ils prétendent compenser un appareil défectueux par le grand nombre des lectures. Mais, dira-t-on, si vous mesurez des angles avec un cercle qui ne vaut rien, les résultats seront mauvais. Pas du tout ; la