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Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/119

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SUR LE RAPPORT DE CAUSALITÉ

On considère, en général, la cause et l’effet comme deux termes d’une série unilinéaire. Pourtant plusieurs philosophes[1] ont soutenu que le rapport causal n’accouple pas les événements deux à deux, mais que chaque phénomène est relié au passé par une pluralité d’antécédents nécessaires. C’est cette thèse que nous voudrions développer.

En fait, la cause d’un phénomène n’est jamais une.

Cette affirmation pourra surprendre. On nous accordera que maint phénomène paraît varier en fonction de plusieurs autres ; mais entre ces causes apparentes on établira une hiérarchie ; pour maintenir l’unité de la cause, on la distinguera de la condition, de l’adjuvant ou de l’occasion. Pourtant, ces distinctions n’ont plus guère de sens depuis qu’on ne conçoit plus la cause sur le modèle de la volonté humaine. N’est-il pas démontré que, sans ces causes occasionnelles, conditionnelles ou adjuvantes, la cause dite principale serait stérile et par suite ne serait pas cause ? Elles font donc partie intégrante de la cause. Dans tous les cas où l’on signale leur présence, la cause n’est pas simple.

Mais ne reste-t-il pas tout un monde dans lequel la cause parait une ? Quand un corps en meut un autre, le mouvement du premier n’est-il pas la seule cause du mouvement du second ? Oui, si l’on entend par cause l’antécédent qui explique l’existence d’un changement. Non, si l’on entend par cause ce qui explique toutes les modalités de ce changement. Nous ne connaîtrons ni la direction, ni la durée, ni la vitesse de notre mouvement si nous ne tenons pas compte des propriétés du mobile aussi bien que de celles du moteur.

  1. Par exemple, Lotze (Métaphysique, § 51, tr. fr., p. 107). Cf. Hannequin (Essai sur l’hypothèse des atomes, p. 296 et suiv.).