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Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 2, 1907.djvu/5

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E. LE ROY. — COMMENT SE POSE LE PROBLÈME DE DIEU.

du sein de son repos attire la cause motrice et la sollicite à l’action. Partout, on le voit, des immobilités. Bref on méconnaît dans le mouvement le mouvement lui-même, la mobilité, la continuité dynamique on ne pense qu’aux étapes, aux stations, aux éléments du cadre ; et par là on affirme en définitive une sorte de primat du statique sur le mouvant.

Or c’est là une théorie du mouvement : 1° qui est une théorie et non un axiome ; 2° qui n’est pas la seule théorie possible ; 3° qui représente moins la réalité vraie que notre manière pratique d’agir sur elle ; 4° que la science et la philosophie battent de plus en plus en brèche comme entachée d’anthropomorphisme.

Prenons l’exemple simple du mouvement local. Que vaut à son sujet la conception statique du sens commun[1] ? Elle conduit à confondre le trajet avec la trajectoire sous-tendue. Elle représente le mouvement comme un ordre de positions spatiales, alors que c’est essentiellement un passage. Or on ne dénombre ainsi que les étapes fictives où le mobile pourrait s’arrêter, non l’acte étranger à l’espace par lequel il traverse ces points ; et l’on ne mesure ainsi que la quantité de longueur utilisable qu’un mouvement accompli a déposé, non la qualité du flux qui déroule cette longueur. Définir un mouvement par une fonction de point sur une ligne, c’est-à-dire par un tableau de correspondances entre des positions et des instants, c’est se donner d’un coup le mouvement tout fait, c’est donc en somme nier le mouvement en substituant le résultat de la genèse à la genèse du résultat. Qu’on y songe ! Il est vain de prétendre saisir le mouvement d’un mobile dans les positions immobiles qu’il traverse : le mouvement, c’est la traversée du point, ce n’est pas le point traversé. D’une façon générale, et de quelque sorte de mouvement qu’il s’agisse, on n’en rend pas compte, mais plutôt on le supprime, si l’on n’en considère que la source d’où il émane ou le terme auquel il tend.

Essaiera-t-on de recourir, pour justifier la méthode statique, à une conception kantienne qui la présenterait comme exigée par la structure de l’esprit ? Je renverrais alors à la critique magistrale développée par M. Bergson[2] et à sa, conclusion : « le mouvement est propagation d’un état plutôt que transport d’une chose ». Je renver-

  1. Qui est encore la conception de la science positive.
  2. Matière et Mémoire, chap. iv.