Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 2, 1910.djvu/6

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aux conditions de la production des choses. Qu’elles soient là, il suffit. Elle y appliquera ses méthodes de réduction. Mais la raison est scandalisée par l’apparence du hasard ; et, après que la science a épuisé son effort, si le hasard subsiste, elle proteste. Ce que la science ne peut faire est-il donc absolument impossible ? N’avons-nous aucun autre moyen d’aborder la réalité et d’en pénétrer la nature et les causes, que l’observation et la déduction proprement scientifiques ? L’homme, qui a fait la science, y est-il enfermé ?

II

Pour créer la science, l’homme s’est renoncé. Sa première méthode de connaître les choses avait été d’en juger d’après lui-même, de les apprécier ex analogia hominis, comme dit Bacon. Le point de vue scientifique consista à les regarder de leur point de vue à elles, à expliquer l’univers par l’univers, ex analogia universi. Mais voici qu’à la réflexion cette conception tout objective des choses pose des problèmes qu’elle ne peut résoudre. Et l’homme se prend à regarder en arrière, et à se demander s’il n’y avait rien de raisonnable et de légitime dans sa première manière de considérer les choses.

Und mich ergreift ein längst entwöhntes Sehnen
Nach jenem stillen ernsten Geisterreich !

Qu’arriverait-il, si, de nouveau, j’interrogeais la nature avec ma conscience, du point de vue de ma conscience ?

Il ne s’agit pas de mettre en question la légitimité de la science. Elle est, et, sur son domaine, elle défie toutes les attaques : Que faut-il de plus pour la rendre inviolable ? Mais la science est-elle notre unique source de connaissance ?

Il est remarquable que, pour trancher nos différends, théoriques et pratiques, nous n’invoquons pas, en fait, simplement, la science. mais encore la raison.

Et en effet, formée, tant par les découvertes et les méthodes de la science que par l’histoire de la vie et de la pensée humaine, unité, ou plutôt harmonie de la théorie et de la pratique, la raison, et se distingue de la science, et fournît à l’homme des règles de pensée valables comme celles de la science. C’est elle qu’avait en vue