La fonction d’éducation, au sens étroit du mot, est celle qu’assument les générations adultes à l’égard des générations qui montent, pour les amener à la plénitude de la vie physique, intellectuelle et morale des milieux humains auxquels elles appartiennent. L’éducateur est donc d’ordinaire tourné vers l’enfance et la jeunesse et sa tâche est de mettre au service de leur développement tout le savoir, toute l’expérience qu’il a pu acquérir.
C’est peut-être aussi pourquoi l’on est parfois médiocrement accueilli quand on vient à parler morale. On a l’air de se poser en mentor, de se targuer d’une sagesse supérieure à celle des gens à qui l’on s’adresse et qui s’imaginent volontiers qu’on les traite en enfants. Il faut l’avouer : on éveille presque toujours, lorsqu’on se donne à tâche de répandre l’éducation morale, une susceptibilité, une défiance, qui ne sont pas favorables au succès. Rien de semblable ne se produit quand il s’agit d’une instruction technique ou scientifique ; car là, chacun se rend compte que tout le monde ne peut tout savoir, que les compétences sont diverses et spéciales et que tout homme, si instruit qu’il soit, peut encore avoir à apprendre d’un autre sur un point particulier : le sculpteur grec ne s’offensait pas qu’un cordonnier corrigeât le dessin d’une sandale. Mais quand il s’agit de moralité on comprend que cette modestie ne se retrouve plus. C’est qu’on a le sentiment, juste à certains égards, qu’il s’agit alors d’une faculté qui, par sa destination même, est nécessaire à tous et surtout nécessaire chez tous ; que celui qui en manquerait serait pour ainsi dire au-dessous de l’humanité. Aussi est-ce une pensée commune, presque instinctive, et que nombre de philosophes ont expressément soutenue, que la conscience morale est un don primitif et inné à l’âme humaine, une faculté universelle et même
- ↑ Conférence faite à la Ligue française d’éducation morale, le 18 janvier 1920.
Rev. Méta. — t. XXVII in° 2, 1920.