dement les fonctions de l’organisme social. » « C’est au contraire, lui répondais-je dès cette époque[1], la satisfaction individuelle qui doit être conçue comme le résultat obtenu par surcroît, lorsque chacun saura remplir sa fonction sociale. » Il est chimérique et peut-être contradictoire d’espérer que l’égoïsme puisse suffire à maintenir et à faire progresser la société sans que jamais celle-ci soit prise pour fin. Au lendemain d’une guerre où notre nation a failli sombrer, il y aurait quelque chose de scandaleux à se demander si c’est l’égoïsme qui l’a sauvée. Et cependant tous ceux qui survivent savent bien quels maux ce salut leur a épargnés. Sous une forme moins tragique, cette vérité morale de la guerre est aussi celle de la paix. Nous sommes tous hautement intéressés au bien de la collectivité. Mais ce bien ne se réalisera pas si chacun ne songe qu’à soi.
C’est donc bien d’une éducation morale que nous avons besoin pour améliorer le rendement de toutes les activités sociales et reconstruire la France nouvelle ; d’une éducation morale, c’est-à-dire d’une restauration des fondements spirituels de la nation. Mais ces forces spirituelles ne jailliront pas ou resteront inefficaces, si nous continuons à isoler la conscience dans le for intérieur, sans l’exciter en lui assignant une tâche à remplir. C’est un spiritualisme bien mal compris que celui qui prétend faire des âmes sans corps. Aristote avait déjà dit que l’homme, animal social, tient le milieu entre le dieu et la brute. Pascal ne fait que compléter la même pensée en ajoutant : « Qui veut faire l’ange fait la bête. » N’essayons pas de faire des anges ou des dieux sans y parvenir, nous ne ferions que des inutiles ; ne nous exposons pas à faire des bêtes affamées de lucre et de jouissances elles ne pourraient plus être gouvernées que par la force. Faisons des hommes la liberté, à la fois entraînée et disciplinée par ses fins, fera seule une véritable société.
- Gustave Belot.
- ↑ Revue philosophique, 1898, I, p. 316.