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432 REVUE DE METAPHYSIQUE ET DE MORALE.

même temps sentir l’autorité et désirer le perfectionnement. Elle. nous est donnée à la fois comme une réalité positive et comme une idéalité, comme une existence spirituelle qui tend sans cesse à une plus complète réalisation ; cette réalité nous sert de point d’appui, en même temps que nous nous faisons les instruments de cette réalisation. La société est pour nous, ainsi que. je l’ai indiqué ailleurs, la fin ultime parce qu’elle est le moyen fondamental et.commun de toutes nos fins générales, celui sans lequel les autres moyens ou n’atteindraient pas toute leur puissance, ou seraient tout à fait inefficaces, ou même ne prendraient pas du tout naissance. Elle est surtout le moyen essentiel du développement des facultés humaines elles-mêmes, sans lesquelles il n’y aurait pas de fins, du tout. Ainsi la science et la morale, considérées chacune a part et à son point de vue propre, semblent toutes deux être des valeurs suprêmes," des termes limites, et, au sens humain du mot, comme des absolus. Mais s’il en est ainsi, il semblerait qu’entre ces deux valeurs il ne puisse y avoir de commune mesuré. Tandis que le moraliste prétendrait juger la science au point de vue de sa valeur morale, le pur savant, s’il existait, prétendrait subordonner l’acceptation de la morale à sa justification scientifique, et le débat sera sans issue. Or poser la question de la valeur morale de la science, c’est précisément supposer implicitement que ces deux valeurs sont homogènes ou que de quelque façon l’une.puisse se ramener à l’autre. Si au contraire, comme je le pense pour ma part avec H. Poincaré, la science et la morale sont d'essences différentes, si, plus précisément, la science est par ses fondements indépendante de toute fin et de toute autorité sociales, la question de la valeur morale de la science ne pourra plus se poser ni se résoudre d’une manière générale. Il pourra bien se faire que, par accident et accessoirement, la science soit utile ou nuisible à la_ .morale, comme n’importe quelle fonction de l’être humain. Mais on__ne pourrait plus parler d’une valeur morale inhérente et essenelle à la science Qn_comprendra pourtant que nous tenions à poser la question sous.cette dernière forme, et non sous l’autre une analyse et une énumération de ce que la science, soit dans ses résultats, soit dans ses principes, pourrait avoir tantôt de conforme, tantôt -de contraire à la morale ne saurait satisfaire l’esprit ni présenter d’intérêt philosophique. Tout au plus le politique y trouverait-il son compte, et encore bien imparfaitement car il serait bien embarrassé, en présence de ce tout solide