Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1914.djvu/15

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quelles il est impossible de poursuivre un travail en commun. En mettant à la disposition des professeurs et étudiants le texte de deux dialogues aussi caractéristiques de la pensée du philosophe et dont l’authenticité est incontestable, l’auteur a fait œuvre très utile. Pour le Soliloquium le texte suivi est, dans l’ensemble, celui de Migne ; les manuscrits consultés par M. K. Müller (Paris et Stuttgart) lui ont semblé moins satisfaisants que le texte imprimé, et relativement peu instructifs. Pour le De vanitate mundi au contraire le ms de Paris(Bib. Nat. fonds lat. 15139, fol. 232b — 242d) originaire de Saint-Victor même, a fourni un texte nettement supérieur à celui de Migne et de l’édition de Rouen. Il est à souhaiter que la même collection nous apporte d’autres éditions maniables de textes médiévaux ; les opuscules de saint Anselme ou l’Itinerarium de saint Bonaventure seraient les bien venus.

Der Gegenwartswert der geschichtlichen Erforschung der mittelalterlichen Philosophie, par M. Grabmann. 1 vol. in-16, de vi-94 p., Vienne et Fribourg en Brisgau, Herder, 1913. — Cette leçon d’ouverture que le professeur Grabmann publie, étendue et complétée, se propose d’établir trois points. Le premier est qu’une connaissance approfondie de la philosophie médiévale permettra seule d’apprécier cette philosophie. Dès a présent on peut juger que, contrairement a l’opinion généralement répandue, elle a eu le sens du réel et le goût des faits, que son interprétation d’Aristote n’a rien eu d’un asservissement littéral, et qu’enfin, tout en demeurant au service de la foi, elle n’a jamais adopté une attitude purement passive et réceptive. Lorsqu’on met en comparaison la Somme théologique de Thomas d’Aquin avec la Somme d’un Guillaume d’Auxerre, plus vieille à peine de quelques dizaines d’années, on constate aisément quelle extension la pensée philosophique peut avoir imprimée à la spéculation théologique. Le second point est que, seule, l’histoire des philosophies médiévales permettra de restituer exactement les doctrines particulières et aussi le système complet de la philosophie chrétienne. Le moyen âge n’a pas rédigé de manuels, sa pensée est éparse dans de











nombreuses œuvres commentaires, opuscules, questions, quodlibel, etc., dont beaucoup d’ailleurs sont demeurées inédites. Seul leur dépouillement laissera discerner ce, qui fut opinion particulière et ce qui rentre dans le bien commun de la pensée médiévale ou, selon l’expression de M. de Wulf, dans « la synthèse


scolastique ». Le troisième point est qu’une connaissance plus approfondie des philosophes du moyen âge permettra de voir sur quelles questions l’accord est possible entre la doctrine traditionnelle du catholicisme et les exigences de la culture moderne. Pour beaucoup d’esprits la spéculation médiévale représente un effort de la pensée humaine glorieux, mais dont les résultats n’ont plus pour nous aucune valeur. Il y a de bonnes raisons pour en appeler de ce jugement, car les points de contact entre la pensée moderne et la tradition thomiste se sont singulièrement multipliés depuis cinquante ans. En ce qui concerne la logique il semble que Husserl et son école se rapprochent du péripatétisme ; pour la métaphysique les derniers travaux d’O. Kùlpe paraissent s’orienter vers une restauration de cette discipline considérée comme couronnement des sciences et vers une critique de l’idéalisme contemporain ; en philosophie naturelle il est possible de s’entendre avec le néo-vitalisme ; la psychologie trouvera chez les grands penseurs du moyen âge des modèles d’observation intérieure, des doctrines profondément élaborées et qui laissent la porte ouverte à toutes les recherches ultérieures ; en morale, enfin, le thomisme peut nous offrir sa conception de l’acte humain, dont le Dr Grabmann rappelle que nous avons reconnu ici même la haute valeur, et son analyse des passions dont nous reconnaissons non moins volontiers qu’elle. est admirable. L’auteur conclut en espérant que l’unité pourra se faire autour d’une philosophie éminemment capable de satisfaire la soif de divin qui caractérise, au fond, la pensée contemporaine et de conduire les esprits vers le premier et souverain principe de tout être, de toute vérité et de tout bien. Dans cette belle et éloquente leçon le Dr Grabmann s’est souvenu de saint Thomas 1..S/~f/~M~ p/0~ nore est ~ud hoc, quod sciatur quld homines senserint, sed qualiter se kabeat verittis rerum. Mais il n’a pas pu ne pas rester lui-même, c’est-à-dire l’historien le mieux informé peut-être du travail fait et à faire sur les philosophies médiévales. On glaneradans les notes des indications sur les sources manuscrites, les publications en cours ou imminentes, qui permettront d’attendre avec moins d’impatience le tome 111 de la Gescliickte derscholastischen Méthode. En ce qui concerne les conclusions dogmatiques de l’auteur, bien des réserves s’imposeraient. N’y a-t-il pas quelque équivoque dans la notion de philosophie médiévale sur laquelle il argumente ? En