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l’enfant (1899). Ces trois ouvrages ont-ils acquis, dès à présent, la notoriété qu’ils méritent ? Ils seront lus, alors que bien des livres, auxquels la vogue est venue dans leur nouveauté, seront oubliés.

Nous avons cherché à nous informer de Paul Lacombe. Il paraît qu’il fut, dans des temps lointains, licencié en droit et élève de l’école des Chartes. Il fut journaliste sous l’Empire, républicain, « fouriériste », si nous sommes bien renseignés, mais rebelle toujours à toute orthodoxie, même à celle du parti auquel il adhérait. En 1871, l’invasion et la République firent de lui un préfet ; après le Seize-Mai, il fut de nouveau, pendant deux ans, sous-préfet, secrétaire de préfecture ; puis il fut nommé en 1881, et resta jusqu’à ses vieux jours, inspecteur général des Archives et des Bibliothèques : c’était le poste qui convenait le mieux à ses goûts studieux. Jusqu’à ses derniers jours il continua de travailler et d’écrire. Pendant les longues années d’une guerre dont il ne lui a pas été permis de voir le dénouement, il sut conserver intact l’équilibre de sa raison. « Pas de paix, nous écrivait-il peu de mois avant de mourir, sinon justicière, et implacable » ; mais il ajoutait, après avoir déploré l’affaissement de ses forces physiques « Je travaille tant que je peux. J’ai un traité avec Hachette pour la publication de trois volumes. Je bâtis, comme je peux, un volume qui donnera mes idées philosophiques dernières. C’est un positivisme absolu qui ne plaira pas à tout le monde. Je partirai débordant d’espoir dans l’avenir de l’humanité. »

LIVRES NOUVEAUX

L’Énergie spirituelle, essais et conférences, par Henri Bergson, de l’Académie française, de l’Académie des sciences morales et politiques, professeur au Collège de France, 1 vol. in-8o de 227 p., Paris, Alcan, 1919. – Au moment où renait ce supplément, nous nous félicitons que notre première notice puisse être consacrée à un volume signé du grand nom de Bergson. À vrai dire, il ne s’agit pas d’une œuvre entièrement nouvelle, mais d’études parues à diverses dates et devenues introuvables. L’une d’entre elles, une conférence faite à Birmingham sur La conscience et la vie, n’avait jamais été publiée en français et n’était connue que par la rédaction anglaise, moins développée, du Hibbert Journal.

Le recueil formera deux volumes. Le premier, que nous avons seul sous les yeux, contient des travaux qui portent sur des problèmes déterminés de psychologie et de philosophie, mais qui se groupent cependant en un livre d’une réelle unité et qui justifie son titre. On y trouve la conférence faite, à Foi et Vie sur l’Ame et le corps ; l’allocution prononcée en 1913 à la Société pour la recherche psychique, de Londres ; les articles célèbres sur le Rêve, le Souvenir du présent et la fausse reconnaissance, l’Effort intellectuel, le Paralogisme psycho-physique. Toutes ces études tendent à réfuter le matérialisme, la conception mécaniste de la vie, la théorie du parallélisme psycho-physique, la théorie physiologique de la mémoire. Mais elles sont bien davantage qu’une simple réfutation, elle visent à nous faire saisir la vraie nature de l’activité psychique profonde, antérieure aux images et à toute expression verbale, antérieure même à l’idée. « L’idée est un arrêt de la pensée ; elle naît quand la pensée, au lieu de continuer son chemin, fait une pause ou revient sur elle-même : telle la chaleur surgit dans la balle qui rencontre l’obstacle » (p. 47-49). L’étude de cette activité mentale, qui déborde infiniment l’activité cérébrale, conduit l’auteur à considérer l’existence d’un au-delà non seulement comme possible mais comme probable : « Cette vie, je me la représente encore comme une vie de lutte et comme une exigence d’invention, comme une évolution créatrice : chacun de nous y viendrait, par le seul jeu des forces naturelles, prendre place sur celui des plans moraux où le haussaient déjà virtuellement ici-bas la qualité et la quantité de son effort… »

D’un ouvrage de M. Bergson, il est superflu de louer la forme. Pourtant quelques magnifiques pages inédites ou peu connues de ce recueil (par exemple les pages 24-25, sur la joie qui accompagne la création et nous avertit que notre destination est atteinte), apportent aux lecteurs les plus difficiles de nouvelles raisons d’admirer à la fois l’écrivain et le penseur.

La philosophie française, par Victor Delbos, 1 vol. in-16, de IV-364 p., Paris, Plon-Nourrit, 1919. — Faire tenir tout l’essentiel de la philosophie française dans les limites d’un petit volume était une entreprise qui risquait d’être fatale à tout autre qu’à Victor Delbos. Pour lui, elle a été au contraire l’occasion d’écrire une sorte de petit chef-d’œuvre. Les rares parties qui en soient achevées nous font sentir plus vivement encore tout ce dont la mort de notre maître nous a privés ; tel quel le livre reste un modèle d’exposition claire et pénétrante de doctrines parfaitement assimilées. La philosophie fran-