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teur de développement de l’intelligence humaine. « Par la nature même de son aliment, l’homme eut de bonne heure la notion du germe. » Et ce furent ses vieux instincts de frugivore qui le poussèrent à conserver, sans le tuer de suite, le gibier pris vivant. On s’expliquerait par cette circonstance les premiers essais de domestication et la formation du troupeau.

Nous pensons en avoir assez dit pour faire suffisamment ressortir l’importance de ce résumé de philosophie biologique, où se trouvent condensés, dans un style agréable, dans une langue claire, expurgée des néologismes rebutants, la matière de gros volumes et le fruit d’un savoir personnel aussi dénué de dogmatisme que vivifié par le labeur du laboratoire et le contact permanent avec les réalités de la nature vivante.

L’Invérifiable des problèmes de la Métaphysique. Nos procédés d’informations et de preuves. Les trois formes de l’invérifiable. La valeur du positivisme, du pragmatisme, du probabilisme (Métaphysique et métaphysiciens), par André Cresson, professeur de philosophie au lycée Condorcet, docteur ès lettres, 1 vol. in-12 de 400 p., Paris, Chiron, 1920. – L’auteur du Malaise de la Pensée philosophique a entrepris dans cet élégant ouvrage la critique de toute métaphysique passée et, jusqu’à un certain point, de toute métaphysique future. Son point de vue, qu’il rapproche de celui de Fontenelle, est caractérisé par un doute fondamental à l’égard de tout ce qui s’écarte des résultats positifs de la science, relevé par une curiosité psychologique pour la croyance qui s’avoue telle, et qui se risque au jeu des probabilités. L’ouvrage est écrit de verve ; la tendance à y expédier un peu lestement dans l’autre monde telle ou telle doctrine vénérable flattera certains préjugés ; elle en irritera d’autres. Il est vrai que M. Cresson a rétréci un peu arbitrairement le champ de son enquête en supprimant, par simple prétention, les métaphysiques de l’immanence, en interprétant dans le sens de la transcendance scolastique les systèmes où se manifeste le plus clairement l’effort pour s’en affranchir. C’est ainsi qu’il écrivit : « Le mythe de la caverne symbolise aussi bien la doctrine de Descartes que celle de Leibniz, celle de Kant que celle d’H. Spencer. Il figure toute théorie d’après laquelle il existe des esprits, des réalités avec lesquelles ils prennent contact et des représentations déformées qui correspondent, en eux, à ces réalités. » D’autre part, M. Cresson a fait un effort vigoureux afin d’énumérer les moyens de connaissance qui sont à la disposition de l’homme pour prendre possession du réel, pour vérifier : perception sensible, sentiment intérieur, intuition rationnelle, induction a posteriori, raisonnement a priori, témoignage d’autrui. Pour que la métaphysique fût fondée, il serait nécessaire que, puisant à l’une de ces six sources, elle justifiât sa capacité de pousser le procédé jusqu’au contact avec la réalité absolue. Mais M. Cresson s’est contenté de présenter son énumération, sans prouver qu’elle soit complète. Et il est piquant d’observer que, s’il y a lacune, elle porte précisément sur la méthode qui l’a conduit lui-même à découvrir les six moyens de connaissance, c’est-à-dire sur la réflexion analytique de l’esprit. Une telle réflexion s’est peu à peu distinguée du sentiment intérieur et de l’intuition rationnelle, étant la découverte progressive et laborieuse des conditions qui donnent à la raison humaine sa capacité de vérification. N’est-ce pas d’ailleurs à l’usage de cette réflexion analytique que se trouve liée la définition classique dont M. Cresson ne s’est pas préoccupé, mais qui est peut-être la plus célèbre de toutes : metaphysica est ars recte intelligendi experientiam ? Bref, à côté du sens étymologique et purement aristotélicien de la métaphysique qui justifie amplement la position dialectique de notre auteur, il y aurait à prendre en considération ce mouvement de la pensée moderne qui conduit à interpréter la métaphysique comme instituant d’une façon strictement positive un art de vérifier.

Le Problème du Mal, par Émile Lasbax, viii-451 p., 1 vol. in-8, Paris, Alcan, 1920. — Dans cet ouvrage considérable qui renferme à peu de chose près l’exposé d’une métaphysique complète, M. Lasbax s’est efforcé de prolonger le bergsonisme dans le sens d’une philosophie des valeurs. Avec une intrépidité à laquelle nous ne sommes plus habitués, il s’évertue à dégager de l’étude des sciences de la nature interprétées à la lueur de l’animisme une théorie de la vie et de la mort, du bien et du mal. « Une lutte de deux volontés », tel est le sens de « l’ultime dualité du monde ». L’opposition porte sur « deux principes essentiellement actifs » et dont cependant un seul possède à proprement parler l’existence, puisqu’il est l’expression intégrale de la vie, l’autre consistant simplement en « une volonté de haine et de mort, infini négatif si l’on veut dans le sens où négatif implique un néant de vie et par suite d’existences » (p. 450). À tort ou à raison, M. Lasbax est manifestement convaincu qu’il ne joue pas avec des con-