Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1908.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

-29 – mesure le temps par son intelligence. Mais l’horloge viscérale bien peu d’importance chez l’homme normal. Je doute fort que l’observation de cette femme de gendarme puisse apporter grande contribution à la psychologie du temps. M. d’Allonnes. C’est peut-être parce qu’elle n’est pas psychologue que ses observations sont précieuses. M. Bouglé. Incompétent en matière de psychologie physiologique c’est au point de vue sociologique que je me placerai pour discuter votre thèse. Vous faites allusion aux influences sociales, qui peuvent entrer en ligne de compte pour l’explication des inclinations. Mais ce n’est qu’une indication fugitive pourquoi n’avez-vous pas 1 mieux utilisé ces ressources? Vous parlez d’épidémies de mysticisme vous n’en dites rien d’intéressant. Au point de vue de l’histoire de la philosophie, il fallait ou ne pas en faire ou en faire d’une façon plus précise. Vous citez M. Paulhan. Je trouve plus de parenté entre M. Paulhan, 1/ Activité mentale et- les éléments de l’esprit et votre thèse, plus de rapport que vous n’en indiquez. M. d’Allonnes. Il y a rapport et différence^ La différence, c’est que Paulhan est un psychologue d’analyse. J’apporte des documents et des faits qui ne sont pas dans l’œuvre littéraire de Paulhan, La théorie de Paulhan ne m’intéresse pas beaucoup. Celles qui m’intéressent sont celles de Lange, James, Sollier. -M. Paulhan ne vit pas sur mon terrain. M. Bouglé. Cela ne vous empêche pas d’aboutir à une théorie qui a bien des points de commun avec celle de Paulhan. Enfin vous avez des affinités avec M. Ravaisson selon lui aussi, il se constitue dans l’esprit des systèmes de tendances, qui sont des inclinations. C’est l’idée a laquelle il aboutissait en 1838, dans son Mémoire sur l’Habitude; n’auraitil pas été utile de le citer. Tous nous dites par exemple que l’élimination de l’intelligence et de la sensibilité crée un besoin mais vous n’expliquez pas cette assertion. Les analyses de Ravaisson auraient sur ce point, étoffé votre argumentation. M. d’Allonnes. En ce qui concerne M. Ravaisson, nous ne nous plaçons pas sur le même terrain. D’ailleurs le besoin n’a pas seulement cette détermination’ négative. Le caractère impulsif du besoin implique des causes d’ordre physiologique. IL Psychologie d’une Religion Eœposé de la thèse. – A la fin de 1902 et au début de 1903, nous avons eu entre les mains les Mémoires du pasteur Guillaume Monod. Ce livre très rare est un livre de théomane. Il y a là un cas de mysticité active. L’intérêt du livre, c’est la psychologie du fanatisme, la psychologie du fondateur d’une religion. Il offre le spectacle de la lutte entre deux personnalités, la personnalité consciente et la personnalité inconsciente. Je me suis donc documenté, et j’ai découvert des disciples vivants de Monod. Je venais d’étudier un cas de folie à’trois personnes, des malades, mystiques et religieux. Je me trouvais ici devant un cas de contagion religieuse morbide. J’ai découvert les écrits de cette secte de théomanes de nombreux opuscules, des revues. Il y avait là une doctrine et une méthode théolosique et une véritable secte r 200 membres environ. Parmi ces disciples, il y avait des, personnes normales, de profession libérale pasteurs protestants et prêtres catholiques, des gens ayant beaucoup lu et renseignés sur les choses religieuses. J’avais à étudier l’influence des névropathes sur les normaux. Il y avait là une petite hérésie, un petit organisme religieux parvenu à un point intéreiiïint de son développement. Pour les documents, ils étaient entre les mains des disciples d’une part, de la famille de l’autre. Rares et dispersés. Il y avait chez ces personnes un parti pris de tenir secrets certains faits et certains documents. J’ai trouvé cependant l’essentiel. Une chose intéressante était la recherche des traditions orales auprès de. témoins disséminés. Mais ces témoins avaient une confiance variable en moi d’où difficulté d’obtenir ces renseignements. Les femmes, elles, me racontaient de nombreuses anecdotes, mais elles brouillaient et confondaient leurs souvenirs. Pour l’observation psychologique de mes sujets, j’avais heureusement l’habitude d’interroger. Enfin, j’ai fait appel à des documents étrangers psychologie des protestants, évolution du protestantisme au xix" siècle. J’ai employé d’autres documents les prophètes cévenols du xvii’ siècle. Enfin, j’ai eu recours à des phénomènes religieux en cours d’évolution le babisme persan, le mouvement messianique du fareînisme. Voilà pour les matériaux mis en œuvre. Pour l’interprétation, mon idée directrice a été une idée biologique. Je me suis proposé l’étude psychologique de la révélation et de l’inspiration. Je l’ai faite sur les prophètes vivants, pour mieux comprendre la psychologie dé leur maitre, celle des autres prophètes et des grands inspirés du passé. Mon centre de per-