Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1908.djvu/6

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« Les biologistes dégagés du préjugé dualistique ne peuvent qu’accepter cette manière de voir », ajoute M. Giard, en nous prévenant toutefois qu’une telle conception ne saurait épuiser la biologie, et qu’il serait « pour le moins téméraire de vouloir faire entrer nos conceptions biologiques dans le lit de Procuste d’une mécanique trop étroite ». C’est ainsi que les processus de développement que J. Lœb qualifie de « réversibles », observés notamment chez les hydroïdes, ne sauraient en aucune façon être assimilés à la réversibilité des machines simples, telle qu’elle est définie en physique. L’étude de la mécanique vivante, tout en vérifiant de plus en plus les lois actuellement connues de la physicochimie, nous révèle une telle complexité que ces mêmes lois nous apparaissent, d’autre part, comme des abstractions lointaines et des schèmes très grossiers de la réalité biologique.

Introduction physiologique à l’étude de la philosophie, Conférences sur la physiologie du système nerveux de l’homme, faites à la Faculté des lettres de Montpellier par J. Grasset, professeur de clinique médicale à l’Université de Montpellier. Préface de M. Benoist, 1 vol. in-8 de xi-368 p., Paris, Alcan, 1908. – Remercions le docteur Grasset d’avoir réuni dans cet ouvrage, les conférences qu’il faisait l’année dernière à la Faculté des lettres de Montpellier et qu’il destinait aux étudiants en philosophie. C’est un enviable mérite d’unir à la probité, à l’aridité, aux scrupules de la recherche scientifique l’agrément et la clarté de l’exposition ; c’est un mérite que personne ne refuse à l’illustre clinicien de l’hôpital Saint-Éloi. Il s’est proposé, dans son « Essai d’enseignement interscolaire », de résumer les notions de physiologie nerveuse indispensables pour qui veut faire de la philosophie, plus spécialement de la psychologie, une étude sérieuse, c’est-à-dire une étude positive. Mais il n’a pas fait un simple manuel. Son ouvrage est entier inspiré par les idées personnelles qu’il s’attache à défendre et répandre depuis dix ans. Après quelques notions générales sur la constitution du système nerveux, il étudie longuement les fonctions psychiques. Il rappelle la distinction qu’il a contribué à rendre classique entre le psychisme supérieur, réfléchi, conscient et volontaire, et le psychisme inférieur, spontané, automatique, inconscient. Il combat la théorie suivant laquelle ces deux psychismes correspondraient à des degrés différents d’activité des mêmes neurones : il montre au contraire qu’ils sont conditionnés par deux groupes de centres nerveux distincts : il montre du moins — car c’est là une hypothèse, qu’il ne présente pas comme un fait scientifiquement établi, — il montre que cette hypothèse est la mieux adoptée aux faits, qu’elle vaut par elle-même et qu’elle vaut comme principe de recherches, que les centres des fonctions psychiques supérieures doivent être localisables au même titre que les centres polygonaux du psychisme inférieur. C’est là un problème auquel on peut espérer que les progrès de l’anatomie cérébrale apporteront un jour une solution. Quelle qu’elle soit, elle n’intéresse en rien la solidité des belles études, déjà connues du public, sur la responsabilité envisagée au point de vue médical, ou encore sur le sens de l’orientation et de l’équilibre, dont on retrouvera ici la substance. Mais on risquerait de faire mal connaître ce livre, ou même d’en fausser l’esprit, à n’en signaler que des détails. Il est impossible aujourd’hui d’aborder la philosophie sans un minimum de culture scientifique. M. Grasset, un neurologiste qui est aussi un philosophe, vient de donner aux étudiants l’introduction physiologique indispensable à leurs études ; il a su faire un livre de science où des médecins trouveront à s’instruire, quoiqu’il demeure accessible à tous les esprits cultivés.

L’Attention spontanée et volontaire, par Ed. Roehrich. 1 vol. de 174 p., Paris, Alcan, 1907. — Ce livre, qui reproduit partiellement un mémoire récompensé par l’Institut, vaut par la conscience et l’étendue de l’information, par le désir aussi de traiter le sujet selon une méthode strictement positive. L’auteur étudie d’abord l’attention spontanée, qu’il considère comme une réaction tout automatique de l’intelligence aux excitations externes ; il croit pouvoir en dégager un certain nombre de lois précises, susceptibles à leur tour de fonder quelques règles pratiques et pédagogiques : et ce chapitre est sans doute le meilleur de l’ouvrage. Puis, M. Rœhrich étudie ce qu’il appelle l’aperception et l’attention aperceptive : il entend par là, semble-t-il, une sorte d’afflux spontané de la masse de nos souvenirs ou de connaissances acquises en présence de toute perception nouvelle, grâce auquel celle-ci est immédiatement assimilée et encadrée dans l’ensemble de notre savoir. Enfin, il traite, d’une manière trop rapide et peut-être un peu vague, de l’attention volontaire, dont il distingue une forme positive et une forme négative (ce serait l’effort d’élimination de toutes les idées étrangères ou contraires à celle que nous voulons éclaircir}.