Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 3, 1908.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

serait pas nécessairement en rapport avec une réalité objective. — Puis, il veut montrer qu’elle compromet également l’idée de réalité objective, hésitant encore entre une conception de la libre croyance qui la ferait toute différente du jugement proprement dit, et une réduction de la libre croyance à un sentiment subjectif de conviction qu’on peut développer ou affaiblir à son gré. Enfin, il prétend que la croyance religieuse chez James constitue un cercle vicieux : parce qu’il n’établit nullement que, dans un jugement théoriquement incertain, la suspension de toute affirmation ou l’état de doute soit, autant que l’affirmation sans preuve, un état passionnel : ce n’est pas à la suite d’une démonstration, c’est par un acte de libre croyance qu’on nous demande en somme de croire et à la liberté du vouloir et à la liberté de la croyance même.

Cette critique est intéressante. On peut la trouver, en même temps que très sévère, un peu diffuse et confuse parfois. On peut regretter aussi que M. Stettheimer ne semble connaître que les doctrines allemandes, et ignore la plus voisine à coup sûr de la doctrine de James, celle peut-être où elle a sa source : la psychologie de Charles Renouvier.

L’orientazione psicologica dell etica e della filosofia del diritto, par le prof. Alessandro Bonucci, 1 vol. in-8 de 378 p., V. Bartelli, Perugia, 1907. — Il est impossible de résumer ici ce livre, qui est un véritable répertoire de tous les efforts des psychologues pour analyser les divers jugements et concepts moraux et juridiques. Il ne faut pas y chercher, comme le titre nous y porterait peut-être, un essai de solution, par la psychologie, des problèmes pratiques, ou une méthodologie générale destinée à nous fournir les moyens de les aborder, quelque chose comme la psychologie de l’homme de bien tentée par M. F. Rauh. C’est une simple analyse psychologique des sentiments moraux et des concepts juridiques que tente l’auteur, se plaçant successivement au point de vue subjectif (les jugements de valeur, la norme juridique) et au point de vue du contenu de ces jugements, de leur objet. Une doctrine générale s’en dégage, une sorte de subjectivisme empirique, avec lequel l’auteur nous semble vraiment identifier trop facilement la psychologie. L’intellectualisme lui paraissant définitivement condamné, c’est une sorte de sentimentalisme à demi utilitaire, à demi kantien, auquel il aboutit : le respect est le sentiment moral essentiel, mais ce sentiment individuel est suscité par les normes sociales qui s’imposent comme résultant des expériences de plaisirs et de peines faites par la collectivité. L’élément rationalité est dans tout cela singulièrement négligé. Ce sont également les caractères objectifs du droit, si bien mis en lumière par des juristes et des économistes dont M. Bonucci proclame un peu rapidement la défaite, et si accentués peut-être par l’évolution récente du droit civil, que l’auteur nous paraît refuser de voir, en identifiant la psychologie du droit avec une psychologie subjectiviste et individualiste, valable surtout pour le droit criminel. — Signalons l’abondance extrême des notes bibliographiques relatives à chaque problème effleuré. Il y a là une mine de références utiles, d’où le choix est peut-être trop exclusif, et où la science française est assez peu représentée.


REVUES ET PÉRIODIQUES

Revue scientifique. 1er février et 8 février. P. 129-135 et 169-176.

Gustave Lebon. L’édification scientifique de la connaissance. — Étude très générale, où l’auteur examine attentivement la connaissance qualitative et la connaissance quantitative des phénomènes, les lois scientifiques et leur degré d’exactitude, la valeur des faits d’expérience et d’observation, les méthodes d’observation et de raisonnement, l’interprétation mathématique des phénomènes, les grandes théories scientifiques et leur rôle, les conceptions scientifiques de l’Univers (Mécanisme-Énergétisme), pour aboutir à des vues très générales sur les interprétations scientifiques et théologiques des phénomènes inaccessibles et à une conception optimiste de l’inconnaissable considéré seulement comme un inconnu actuel. Nous ne saurions résumer un exposé déjà si succinct de questions si importantes. Signalons seulement quelques idées : la connaissance quantitative des phénomènes, qui se ramène « à la mesure de changements, c’est-à-dire de mouvements », tient non pas à ce que tous les phénomènes de la nature sont d’origine cinétique, mais à ce que la structure de nos sens et des instruments qui les complètent « ne nous permet de percevoir que ce qui se manifeste sous forme de mouvements ». « Nos instruments de mesure sont les véritables réactifs qui nous permettent de connaître exactement les choses… Chaque ordre de phénomènes a son réactif approprié. Dès qu’un réactif nouveau est trouvé, un phénomène nouveau apparaît et l’édifice