Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 3, 1908.djvu/22

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respectivement à des résultats divergents. Toute interprétation semble donc condamnée à demeurer subjective et hypothétique. Je remarque en passant que les anciens n’avaient pas la notion de critique objective.

Je crois pouvoir relever dans votre thèse un postulat : c’est solution et que la mystique platonicienne est intelligible.

M. Robin. Je ne cherche pas à expliquer, mais seulement à exposer.

M. Lévy-Bruhl. La philosophie platonicienne est un effort pour rationaliser ce qui n’est pas rationalisable. Platon cherche mettre sous la règle de l’entendement des choses qui ne sont pas intelligibles.

M. Robin. C’est précisément cet effort pour rationaliser des idées religieuses qui est intéressant et mérite d’être étudié.

M. Croiset. Je vous renouvellerai les éloges que je vous adressais à propos de votre thèse complémentaire. Il est impossible de ne pas être touché du soin et de la conscience que vous avez apportés à votre travail, qui révèle en outre une grande connaissance du grec dont je vous félicite. Seulement, en vous lisant, j’ai le sentiment d’être très loin de Platon. Et je crois que votre méthode est sujette à caution. Entendez-vous, par platonisme, le platonisme de Platon ou le platonisme des Platoniciens ? Si vous prenez ce dernier sens, votre méthode est légitime ; mais si vous prenez le premier, elle ne l’est plus. D’autre part vous expliquez les obscurités de Platon par Aristote, et les obscurités d’Aristote par Alexandre d’Aphrodise et Simplicius. Mais un penseur comme Platon est trahi quand il est traduit par des scolastiques ! Généralement les successeurs d’un homme de génie, voyant les difficultés de son système, élaborent une scolastique afin de lier toutes ces créations géniales et vivantes, mais souvent mal coordonnées. Ils échafaudent toute une construction dialectique pour démontrer que les idées contradictoires ne sont pas contradictoires, et détruisent ce qu’il y avait de génial dans l’œuvre du maître.

Quand Platon a-t-il été dialecticien ? Quand il discutait avec ses disciples, d’abord ; ensuite dans les dialogues où il avait affaire à des dialecticiens. Il me semble, pour ma part, que Platon, qui est un merveilleux poète et un génie intuitif, voit une solution avant de l’avoir démontrée ; et comme son génie est poétique et plastique, ses visions sont précises, elles s’imposent, à lui. Quand quelques-unes de ces visions, sont contradictoires, Platon, descendu des hauteurs, cherche à les accommoder, à les concilier dialectiquement.

M. Robin se range à l’opinion de M. Croiset. On a beaucoup parlé du Platon poète, peut-être plus que du Platon dialecticien. C’est surtout ce dernier qui nous intéresse.

M. Robin est déclaré digne du grade de docteur, avec la mention : très honorable.


Thèses de M. Charles Lalo, agrégé de philosophie, professeur au Lycée de Bayonne.

I. L’Esthétique expérimentale de Fechner.

M. Séailles, président du jury, invite le candidat à résumer brièvement l’esprit et la méthode de son travail.

M. Lalo. Je commence par faire remarquer le lien qui existe entre mes deux thèses celle dont il s’agit présentement complète l’autre. Le but de Fechner en effet a été celui même que je me suis proposé dans ma thèse principale.

Mon premier travail comprend deux parties : un exposé, puis une critique de l’esthétique expérimentale de Fechner.

L’idée dominante de Fechner est celle-ci : le beau, c’est le plaisir immédiat. Or ce plaisir peut être matériel, s’il dérive des objets eux-mêmes ; ou formel, s’il dérive de leurs rapports ; ou enfin indirect, s’il vient de l’association des idées.

Fechner distingue donc trois catégories de principes : la première comprend les principes matériels, la deuxième les principes formels qui, eux-mêmes, doivent être divisés en principes supérieurs et en principes inférieurs : c’est dans la démonstration de ces derniers que Fechner a montré le plus d’originalité. La dernière catégorie enfin comprend l’unique principe de l’association esthétique des idées.

Ces lois sont présentées dans le plus grand désordre. La « tendance à la stabilité » est indiquée cependant comme le lien pouvait servir à les unifier.

Les critiques qu’il convient, selon moi, d’adresser au système sont les suivantes :

1o Les trois sortes de principes ne sont pas absolument cohérentes.

2o Fechner n’a pas atteint ce qu’il y a de spécifique dans la beauté. il n’en a établi que les conditions. Je crois en effet que les faits esthétiques sont des faits sociaux.

M. Lévy-Bruhl. Je tiens à vous féliciter du travail consciencieux que vous nous présentez.