Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 3, 1913.djvu/22

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– 22 – sentiments ouvriers, la raison pour laquelle ils dépensent si peu pour leur loge-’ ment. Votre méthode d’induction est ’pays, chologique. L’inconvénient, c’est qu’elle/ permettrait d’aboutir tout juste au contraire. Car, hors de l’usine, l’ouvrier devrait ressentir, par réaction, les besoins sociaux: et pourquoi ne les chercherait-il pas « au sein de la famille »? Vous prétendez, d’ailleurs, que la vie familiale unit, que la vie industrielle isole..Mais la famille est aussi un isolant. L’individu qui se replie sur sa famille est plus « désocialisé » que l’ouvrier. Regardez les bourgeois qui vivent en appartements. Ils n’ont plus de voisins. D’ailleurs, la rue, où l’ouvrier descend, est une société. C’est un prolongement du forum. M. llalbirachs. Vous m’ôtez le droit de dire que l’usine désocialise. Mais l’ouvrier désire moins la vie de famille. Le fait le prouve. Ensuite, la vie familiale, dites-vous, n’est pas la vie sociale. Peut-être, certes, y aura-t-il plus tard des groupes sociauxde nature technique. Mais, actuellement, la vie familiale est la base de la vie sociale. Certes, elle est isolante et isolée,. Mais moins que l’usine. NI. Bougie. – Le temps nous manque pour prolonger la discussion. Mais laissezmoi vous dire que votre thèse repose sur une pointe d’aiguille, Vous avez l’audace de dire que l’usine supprime la vie de famille. Or, votre enquête porte sur 200 familles.«“M. llalbwachs. Nous élargissons nos conclusions. C’est un droit. M. Bougie. – Chez les Américains, vos conclusions ne seraient plus vraies les ouvriers américains occupent une pièce par tcHe. •-P. 226, un mystère. Ce qui distingue l’ouvrier, dites-vous, c’est que l’ouvrier vit peu en famille. Mais, dans le tableau de la page 2H>, je vois, lo,76 p. 100 .delogement; pour les employés et 16,95 pour les tailleurs de limes. M. Halliwachs. 11 s’agit d’employés de syndicats. M. Bouqlé. N’attachez pas trop d’importance à mes critiques, qui demeurent cordiales. Je loue la méditation intense que vous avez appliquée à vos chiffres. Votre travail est à proposer en exemple aux générations futures. M. Seigno/jos loue d’abord l’idée de l’ouvrage. Vous avez, dit-il, précisé la notion de classe. Je trouve que vous avez bien fait de mettre la dépense et le genre de vie en tète, non la production. Personnellement, je suis très embarrassé "pour vous critiquer. Vous êtes un philosophe, et j’ignore la philosophie. Pourtant, je vous ferai une objection de méthode, qui est le bon sens même. Vous dites que c’est en Allemagne seulement que les méthodes sont précises et sûres. Seulement, par scrupule, vous ne mettez alors dans votre enquête que des ouvriers allemands. Les résultats, eussent été très différents si vous aviez considéré, par exemple, les ouvriers australiens. M. Halbwachs. Je m’aperçois que ma base documentaire est limitée. On me dit qu’il n’en est pas ailleurs comme en France et en Allemagne qu’en Amérique, par exemple, les ouvriers se logentlargecmer t.- Mais cela ne tiendrait-il pas à des raisons particulières àcequ’en Amérique les constructeurs ont plus d’initiative ? 1 M. Seignobos. – -Qu’en France. M. llalbwachs. – Et qu’en Allemagne. Ai. Seignobos. – Donc les conditions sont variables. Donc vous devez m’ac-, corder que la- généralisation est hâtive. M. Halbwachs. Ap’portez-moi des documents. M. Seignobos. En attendant, vous n’avez pas le droit d’aller si vite. Autre chose. ̃̃_̃: vous parlez de l’aspect extérieur de l’escalier. C’est une vue de l’esprit. Dans le. vêtement, vous faites entrer la parure (cela vient, il est vrai, des statisticiens). Et vous parlez, en gros, de l’alimentation, mais elle ne correspond pas à’ un besoin physiologique uniquement. Il y a des gens qui veulent une nourriture variée. Au fait,, à quoi reconnaissez-vous la classe? Les historiens ont un critère bien simple c’est,le mariage. Deux classes différentes sont celles entre lesquelles le mariage est mésalliance; et aussi les visites « il y a classe quand les femmes se. -Voient ». M. Halôioachs. – C’est vrai, le signe est fréquent; mais un travail scientifique ne peut pas l’utiliser. M. Seignobos. Comment définissezvous l’ouvrier? Celui qui travaille des «bras », ou des « mains »? M. Ralbwachs. – Des; bras. M. Seignobps. Le chimiste n’est doné pas un ouvrier, puisqu’il ne travaille que des mains. M. Halbwachs. – Ce n’est pas ainsi que je définis L’ouvrier. C’est par la désocialisation. M. Seignobos. -Alors, les coiffeurs, les garçons de bain, etc. Vous dites (p. 132) que l’activité de l’ouvrier est « .surtout physiologique Mais il y a des ouviers. qui font peu, très peu de dépense physiologique.