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ressantes indications. Il ne lui manqua que l’enthousiasme et une véritable grandeur d’âme.

M. W.-E. Lishman critique les « Principles of Western Civilisation » de M. Kidd. Il signale le rapport entre la théorie de cet auteur et la théorie de Huxley (passage du Cosmique (égoïsme) à l’Éthique et au Spirituel). Selon M. Benjamin Kidd le facteur qui jusqu’ici domina l’évolution : « l’ascendance du présent (conservatisme égoïste de la société présente) fait place de plus en plus au principe de la « subordination du présent au futur ». Tout en semblant accorder que, dans ses grandes lignes, cette conjecture « reçoit un certain appui de l’expérience actuelle », M. W.-E. Lishman insiste sur deux critiques essentielles : 1° il est difficile d’imaginer une entière subordination du présent au futur comme mobile d’action d’une génération vivante ; 2° les faits actuels (comme la guerre anglo-boer, ou le développement des trusts) montrent assez que « l’ascendance du présent », l’égoïsme politique ou économique, sont loin d’être des « choses du passé ».

Le Dr Junjiro Takakusu attribue la force et la grandeur actuelle du Japon à l’intensité du sentiment familial, qu’il oppose à l’individualisme occidental. De l’esprit de famille naissent la valeur militaire et le dévouement à l’Empereur. L’auteur va jusqu’à attribuer à la solidarité familiale ouvrière le petit nombre des grèves au Japon.

À signaler les comptes-rendus du « moralisme de Kant » de Fouillée, de la « Dr Martineau’s Philosophy (Opton), de « The origin and development of the Moral Ideas » (Westermarck), des « Sociological Papers » pour 1905 ; enfin une importante analyse de « The Prophet of Nazareth » (Schmidt).

Janvier 1907. — M. A.-E. Davies essaie de définir le bien et le mal dans une morale considérée comme essentiellement sociale. Du point institutionnel (jugements moraux imprégnés dans les institutions sociales) le bien et le mal se définissent en fonction de la préservation et de la désintégration sociales, ou encore en fonction des limites extrêmes des variations qu’une société peut supporter sans périr. Du point de vue instrumental, ils qualifient les sentiments moraux servant à faire jouer chez l’individu le mécanisme de la moralité. L’approbation sociale demeure le critère du bien, mais l’individu qui ne l’obtient pas peut persister à la réclamer pour l’avenir et rester moral en dépit de la désapprobation générale actuelle, à condition qu’il puisse justifier son sentiment par un appel à un « ordre moral plus essentiel ».

Miss Helen Wodehouse pense que, pour la netteté des situations, l’idéaliste et l’intuitioniste, confondus jusqu’ici dans leur lutte contre l’hédonisme empirique, doivent apprendre à se distinguer franchement l’un de l’autre. L’intuitionisme affirme tantôt (Moore) que le bien est quelque chose d’indéfinissable qui seul constitue la moralité d’un acte et se distingue radicalement de toute espèce de désir ou de tendance qui s’y peut mêler ; tantôt (Sidgwick) que le devoir est un commandement de la raison. Pour l’idéalisme le bien et le devoir désigne ce qui est désirable ; ils se définissent en fonction, sinon de nos désirs conscients, au moins de nos besoins réels, conformes à notre nature profonde (Mackenzie).

M. Basil de Salencourt (the Ethics of Passion) s’attaque à cette thèse selon laquelle l’exaltation émotionnelle justifie seule l’union complète des corps et des âmes et, indice d’une mystérieuse affinité, ne doit être restreinte ni liée par aucune convention. Cette théorie, remarque-t-il, est en train de devenir une croyance vécue pour un nombre croissant d’esprits supérieurs. Elle n’est pourtant qu’une abstraction illégitime, par laquelle on refuse de considérer les conséquences sociales d’un acte pour proclamer la valeur absolue de son aspect subjectif, sentimental.

M. J. W. Garner (Political Science and Ethics) passe une revue rapide des écrivains politiques de l’Ancien et du Nouveau Monde et en conclut « une unanimité pratique de l’opinion sur cette idée que les États sont soumis à la même morale que les individus.

M. James Oliphant pose en termes bien anglais le problème des droits des parents en matière d’éducation. On a trop parlé de droits et de principes, dit-il. Il s’agit seulement d’arranger les choses au mieux des intérêts de l’enfant et de la société. Depuis l’Education Act de 1870, un point paraît réglé : le droit pour la communauté d’insister afin que les enfants reçoivent une éducation et même de déterminer virtuellement le genre de cette éducation. La stabilité sociale est fondée sur la vie de famille. Mais, dans nos sociétés démocratiques, l’État, composé des chefs des familles, peut empiéter sur les devoirs de celles-ci. Il est présumé plus sage et plus désintéressé que les plus égoïstes des parents. Une certaine contrainte devient alors légitime, mais non vis-à-vis de certains parents dont les conceptions et les méthodes peuvent être