Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1907.djvu/19

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utilité. Elle n’est utile, en effet, que si l’on connaît la force autrement que par cette égalité, par exemple si la force peut être mesurée directement.

Le principe fondamental, d’où découlent les lois générales de la mécanique, est que les changements infiniment petits à partir d’une position dépendent seulement de l’état statique actuel. Cependant, on aperçoit des exceptions, du moins apparentes, à ce principe. On voit des mouvements disparaître par suite de résistances passives telles que la viscosité et le frottement. Mais on peut soutenir que ces exemples ne sont pas en opposition avec le principe fondamental de la dynamique, que ces forces de frottement, par exemple, ne sont qu’apparentes. L’introduction d’un plus grand nombre de variables, par exemple d’éléments relatifs aux déformations des corps en contact, pourrait montrer encore que le mouvement est réglé à chaque instant par l’état statique. M. Picard résume sa pensée de la manière suivante. Si la position d’un système dépend de p paramètres, soit q le nombre des variables visibles que nous pouvons mesurer et sur lesquelles nous pouvons agir, les autres variables étant des variables cachées, échappant à nos mesures et à notre pouvoir (q < p). On comprend alors que tous les mouvements, possibles pour nous, puissent dans certains cas s’éteindre.

Certains physiciens, il est vrai, protestent contre l’introduction de variables cachées ; mais, dans l’état actuel de certaines branches de la science, notamment en électricité, cette introduction a été féconde. Il se pourrait que certaines variables cachées deviennent des variables visibles, grâce au perfectionnement des instruments de mesure. Le cas idéal serait celui où toutes les variables seraient des variables visibles.

On peut se demander s’il n’y aurait pas moyen de généraliser la dynamique classique. C’est ce que Laplace avait déjà cherché à faire, lorsqu’il supposait que l’impulsion de la force, au lieu d’être proportionnelle à la vitesse, était une certaine fonction de la vitesse. Dans cette conception la masse varie avec la vitesse ; on retrouve cette manière de penser dans les travaux des physiciens contemporains.

En terminant, M. Picard constate, qu’en supposant que l’avenir d’un système ne dépend à un moment donné que de son état actuel, on formule un principe de non-hérédité. Mais quand l’avenir d’un système dépend de ses états antérieurs, il y a hérédité. Pour étudier les cas où il y a hérédité, il faudra peut-être abandonner les équations différentielles, et envisager des équations fonctionnelles, où figureront des intégrales, prises depuis un temps très lointain jusqu’au temps actuel, intégrales qui seront la part de cette hérédité.

Telles sont, brièvement résumées, les principales idées développées dans le travail de M. Picard. Nous ferons seulement certaines réserves sur sa conception de l’évolution de la science. Peut-on dire que le développement de la science a un caractère purement accidentel (p. 7) ? Si chaque moment du progrès scientifique est un accident, comment, d’après les simples probabilités, concevoir que tous ces accidents convergent dans le même sens, pour constituer une science, sinon parfaite, du moins cohérente ? Il est inimaginable qu’une somme d’accidents dus au pur hasard puissent s’orienter tous dans la même direction, et il faut bien avec les rationalistes concevoir que la transformation des principes se fait en vertu d’une certaine loi logique. Remarquons, d’ailleurs, que M. Picard se distingue des savants qui ne voient dans la science qu’un ensemble de recettes empiriques sans unité et dont la valeur est provisoire. Le savant mathématicien croit, et en cela il se rattache à la grande tradition des Descartes et des Leibniz, à l’universalité de la méthode mathématique et à l’unité de la science ; il écrivait il y a peu de temps dans la Science moderne et son état actuel : « On verra d’abord, dans un rapide historique, comment les sciences de la nature ont tendu de plus en plus à prendre la forme mathématique… » et il termine ainsi l’étude que nous venons d’analyser : « Après les premières approximations en viendront d’autres, d’ordre plus élevé, nous rapprochant du but idéal dont l’homme de science a le sentiment, et auquel il croit sans pouvoir, d’ailleurs, le définir avec précision ».

Le premier numéro de la Rivista di Scienza comprend encore une savante étude de M. W. Ostwald sur l’énergétique moderne, des articles de MM. G. Ciamician sur les problèmes de la Chimie organique, W. Cunningham sur l’impartialité en histoire, Jules Tannery sur des questions pédagogiques, etc.


THÈSES DE DOCTORAT

M. O. Hamelin, chargé de cours à la Sorbonne, a soutenu en Sorbonne, le 29 avril 1907, les deux thèses suivantes :