moderne (cf. Painlevé : Bulletin de la Société de Philosophie). On pourrait faire un exposé des révolutions de la mécanique. Je crois qu’il y a en effet de très grandes discontinuités dans l’histoire de la mécanique.
M. Rey. Il y a deux choses à considérer dans l’évolution d’une science : 1° les théories particulières ; 2° l’esprit scientifique. On pourrait trouver des théories mécaniques au moyen âge, en s’appuyant sur des théories singulières (cf. Duhem : Origines de la Statique). Mais, dans ma thèse, j’étudie l’esprit scientifique. Dans l’énergétique, on cherche à changer l’esprit de la science ; les révolutions dont vous parlez changeaient des théories. Sans doute, il y a des hypothèses qui se remplacent les unes les autres, et personne ne le nie ; mais, en se remplaçant, elles conservent ce qu’il y avait de fondé dans les théories précédentes.
M. Rauh. Je crois qu’on pourrait montrer qu’il y a continuité entre l’énergétisme et le mécanisme. D’une part, le mécanisme s’est singulièrement compliqué (conception électrique par exemple). D’autre part, l’énergétime est-il incapable de s’appuyer sur l’imagination ? Ne prétend-il pas s’appuyer sur l’expérience immédiate ?
M. Rey. Oui, l’énergétisme est en continuité avec le mécanisme, en un sens : car nous sommes toujours en présence de la même physique. Mais c’est l’esprit de la science qui n’est plus le même. Il y a encore de l’intuition dans l’énergétisme, mais l’idéal est de l’éliminer. Avec le mécanisme, quelle que soit la complexité, il y a toujours perception possible. L’hypothèse peut fatiguer notre imagination, mais il suffit que cette hypothèse soit perceptible, permettant qu’on constate expérimentalement les conséquences de l’hypothèse. Pour les énergétistes, il n’y a pas besoin de mettre quelque chose derrière les termes complémentaires, correspondant aux hypothèses des mécanistes. Le mécanisme s’éloigne aussi en un sens de la description actuelle des faits ; mais c’est pour se rapprocher de ce que sera notre connaissance future, connaissance représentable. L’énergétisme s’en éloigne, mais sans espoir et sans désir de revenir jamais à des représentations de ces faits.
M. Hamelin déclare au candidat être de son avis, « peut-être un peu plus que lui-même », sur l’énergétisme, et le chapitre sur la stérilité de l’énergétisme lui a paru tout à fait concluant.
Thèse principale : La théorie de la physique chez les physiciens contemporains.
M. Rey. De bonne heure, encore étudiant, j’ai eu l’idée de ce travail. Il avait alors un intérêt actuel. Depuis la Renaissance, la science, c’était ce qui donnait un
savoir sûr et précis. Or, dans le dernier
tiers du xix" siècle, la science fut considérée
comme donnant des résultats
moins précis, puis ne fut plus considérée =
que comme un instrument utile et commode,
sans valeur propre pour la connaissance
de i la nature. ̃̃
Comment étudier la valeur de la
science ? Je pouvais le faire dialectique-,
ment, par une discussion sur les concepts
de la science. Méthode traditionnelle,
point de vue métaphysique du théoricien
de la connaissance. J’ai cru pouvoir suivre
une autre voie, conduisant b. des résultats
plus modestes, mais peut-être plus sûrs.
J’ai restreint le sujet à la physique, parce
.que de toutes les sciences elle nous donne
les résultats les moins hasardeux et
semble le type d’une méthode. sûre. J’allais
donc faire une.enquête auprès des
physiciens contemporains srirla valeur
des résultats qu’ils atteignent et la manière
dont ils les atteignent. d’
Dans l’histoire de la science physique,
on rencontre des théories qui essaient de
se démolir et dé se superposer les unesaux
autres. Mais, vers ÏS5_0,.se : produisit t
un —mouvement d’une autre importance
sous l’influencede la découverte de l’équivalent
mécanique de la chaleur, on fut
porté à déduire de cette découverte des.
théories générales, d’explication. Rankine
, 1e premier présenta ces vues systématiquemenl,
L’énergétique apparait alors
comme une théorie remplaçant une autre
théorie. Mais, quelque temps après, on
veut donner une importance plus grande
à cet essai et changer l’esprit général de
la physique. Le mouvement scientifique
s’est doublé d’un mouvement philoso.ph.ique
des spéculations se Sont produites
sur la valeur de la science, sur la
valeur de la connaissance et de ses procédés.
Pearson, Stallo, et surtout d’une
façon plus proprement scientifique, Ranldne,
Mach.. Ostwald et Duhe.m, les plus
extrêmes des énergétistes, que des physiciens
traditionnalistes comme Boltzmann
ont appelés des sécessionnistes, représen.tent
ce mouvement. On a dit qu’une
science nouvelle commençai.t.comme avait
.commencé une nouvelle science avec la
Renaissance. D’abord, je Fai cru, , et ce
n’est qu’en étudiant ces fondateurs que je
suis revenu de cette opinion. Tous les
physiciens sont d’accord sur les résultats
expérimentaux M. Duhem déclare qu’il