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Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1912.djvu/24

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de Schiller tend à faire considérer comme secondaire l’influence kantienne, puisqu’en somme tous les germes des idées postérieures de Schiller sont donnés dans ses écrits avant qu’il ait lu Kant : « Le fleuve de sa pensée, qui a des sources diverses, a été clarifié et son lit a été approfondi, plutôt qu’il n’a été engagé dans de nouvelles directions par son contact avec la philosophie critique » (p. 37). D’autre part, la doctrine morale de Schiller apparaît à M. Wilm comme en opposition avec celle de Kant : « Kant s’intéressait presque exclusivement à la moralité ; Schiller s’intéressait surtout à la légalité ; ce qui occupait Kant, c’était le motif subjectif, la lettre et la forme (??) ; ce qui occupait Schiller, c’était l’effet matériel, l’esprit et la vie (???). Tandis que Kant avait une confiance entière en la raison, et regardait le sentiment comme un guide incompétent et dangereux pour la volonté, Schiller doutait que la raison fût capable à elle seule de déterminer la conduite, et croyait possible d’élever par l’éducation le sentiment à une hauteur où la volonté pourrait sans péril se laisser diriger par lui » (pp. 141-2). — Dans un dernier chapitre M. Wilm étudie les relations de la pensée de Schiller avec l’idéalisme post-kantien : elles sont assez difficiles à déterminer parce que Schiller s’intéresse moins à la métaphysique en elle-même qu’à ses conséquences morales ou à ses corollaires esthétiques ; et parce que, lorsqu’il cesse de s’occuper spécialement de Kant, il abandonne en même temps les études philosophiques proprement dites. Schiller a personnellement connu Fichte dont il a été le collègue ; Fichte a collaboré aux Horen que publiait Schiller ; Schiller a lu les ouvrages de Fichte publiés en 1793 et en 1794, il y fait souvent allusion dans sa correspondance, ses idées politiques et sa terminologie dans les deux premières séries de Lettres Esthétiques en manifestent nettement l’influence. Fichte à son tour reconnaît les grands mérites philosophiques de Schiller, mais regrette que celui-ci s’en tienne au dualisme kantien entre le sujet et l’objet. Quant à Hegel, il loue Schiller d’avoir considéré l’unité et la réconciliation comme la vérité, et d’avoir vu que le principe et l’essence de l’art est cette unité de l’universel et du particulier, de la liberté et de la nécessité dont Schelling devait faire, sous le nom d’Idée, le principe de la science et de l’existence, la réalité absolue ; cette interprétation de Hegel est, pour M. Wilm comme pour Tomaschek, le résultat d’urie lecture hâtive des Lettres esthétiques, notamment de la 4° : Schiller n’a pas plus que Kant dépassé l’opposition de la pensée subjective et de la réalité objective ; la réconciliation de la nature et de l’esprit ; de l’universel et du particulier n’a chez lui qu’une signification morale, et non métaphysique : c’est un idéal, et un idéal qui n’est jamais atteint. On peut dire, en somme, que l’esprit de l’idéalisme post-Kantien a toujours été étranger à Schiller. — M. Wilm conclut cette étude consciencieuse et intéressante par quelques pages où les mérites de Schiller comme penseur sont indiqués avec impartialité et mesure.

Henri Bergson, The philosophy of Change, par Wildon Carr 1 vol. in-12 de 91 p., London, Jack, 1912. — C’est H. Bergson, nous dit la préface, qui a suggéré le titre de ce volume, après en avoir lu les épreuves : la Philosophie du changement, c’est bien le titre qui convenait ; les idées de M. Bergson sont exposées sous la forme où elles apparaissent dans les conférences sur la Perception du Changement. Le premier chapitre est intitulé : la Philosophie et la Vie ; M. Wildon Carr nous dit que le principe de la la philosophie bergsonienne, c’est qu’il y a un lien vital entre nous et le monde, c’est que la connaissance est faite pour la vie, et que le but de la philosophie est d’étudier la vie dans son double caractère de mouvement et de durée. Les chapitres suivants sont intitulés : l’intelligence et la matière, l’instinct et l’intelligence, l’intuition, la liberté, le corps et l’esprit, l’évolution — On voit qu’il y a là quelque désordre sans doute, M. Wildon Carr a voulu placer les thèses logiques avant les thèses métaphysiques ; en fait, il n’a pas réussi à séparer les unes des autres ; d’ailleurs la tâche était difficile. — En deuxième lieu, l’auteur a voulu surtout montrer que la philosophie de M. Bergson met en valeur notre connaissance en la rapprochant de la vie. Sans doute l’intuition de la vie, est « connaissance de la réalité », est « réalité », suivant les expressions de M. Wildon Carr. Mais M. Wildon Carr dit aussi : la connaissance est faite pour la vie, et cela n’est plus tout à fait vrai ; du moins faudrait-il ici faire des distinctions. — Enfin quand il veut nous faire saisir l’originalité de la pensée de M. Bergson, M. Wildon Carr ne semble peut-être pas toujours d’accord avec lui-même. Nous trouvons tour à tour que l’originalité du système réside tout entière, soit dans son pragmatisme, soit dans son monisme, soit dans son intuitionisme.