Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1913.djvu/5

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invariablement guidée à travers le labyrinthe des combinaisons, et en même temps l’instrument créateur de milliers de combinaisons nouvelles, qu’elle faisait naître par son progrès même, de sorte qu’elle semblait, comme l’a dit un de ses maîtres, Wurtz, « créer elle-même son objet ».

Cependant, limitée au domaine de la chimie, l’hypothèse atomique risquait de rester un mode de figuration des phénomènes sans jamais franchir les bornes de la pure relativité. Les grandeurs absolues des atomes et des molécules restaient ignorées. Les expressions « poids atomiques » et « poids moléculaires » ne désignent que des masses relatives, le poids de l’atome d’hydrogène étant pris pour unité, ou, selon une convention plus récente, le poids de l’atome d’oxygène étant fixé exactement à 16. Les travaux des physiciens contemporains vont beaucoup plus loin. Ils réalisent une ambition qu’il y a un demi-siècle la plupart des savants sérieux auraient jugée chimérique. Ils nous font pénétrer dans la constitution de la matière au point de dénombrer les molécules contenus dans un volume déterminé, d’en apprécier la grandeur, la masse, la vitesse de translation et même la vitesse de rotation. Les premiers essais fructueux dans cette direction se rattachent à l’observation des lames minces. On a pu récemment obtenir des lames d’huile dont l’épaisseur est à peine supérieure au millionième de millimètre, de sorte que l’on peut affirmer que le diamètre maximum d’une molécule d’huile est de l’ordre du millionième de millimètre. Mais on n’a ainsi qu’une limite supérieure. D’autres travaux serrent le problème de beaucoup plus près. Ce problème se pose d’ailleurs en termes précis grâce à l’hypothèse d’Avogadro. Rappelons en quoi elle consisté. Si l’on admet que des gaz quelconques sont composés de molécules identiques pour un même gaz, on est conduit à supposer que le nombre de ces molécules est le même, quel que soit le gaz envisagé, à égalité de volume, de pression et de température. Le nombre de molécules contenu dans une masse gazeuse déterminée est donc déterminé. Le nombre d’Avogadro, N, est le nombre de molécules contenues dans une masse gazeuse pesant 32 grammes pour l’oxygène, 2 grammes pour l’hydrogène, 44 grammes pour le gaz carbonique, 71 grammes pour le chlore, etc… Le nombre N n’a donc pas une signification relative. C’est une grandeur absolue, une constante de la physique, et c’est cette constante que l’on a cherchée par divers moyens à évaluer. Une première évaluation a été tentée, sur la base de la théorie cinétique des gaz, appliquée à la viscosité, en considérant les sphères de choc des molécules et en utilisant l’équation de van der Waals. On trouve ainsi, pour N, à la condition de prendre une molécule monoatomique, la valeur  ; pour le diamètre de











choc, 2™, Sdx10- » ; pour la masse gas~ d’une molécule d’oxygène – ou 52 « r X ÎO-Les plus remarquables déterminations de N sont dues à M. Perrin lui-mème, qui a déployé une admirable ingéniosité dans ses études des émulsions et du mouvement brownien. Il a démontré que les granules composant une émulsion diluée vérifient les lois des gaz, que la répartition en hauteur des granules est la même que la répartition des molécules dans une colonne gazeuse se tassant sous son propre poids. Il a, de cette manière, trouvé pour N la valeur fiSxlO22. Utilisant ensuite la théorie d’Einstein sur le mouvement brownien, mathématiquement rattaché par cet auteur à l’agitation moléculaire, il a retrouvé, en mesurant les déplacements des granules, le chiffre 68 x 10 22. La mesure de la rotation des grains, toujours sur la base de la théorie d’Einstein, lui a donné 65 xlO22, et la diffusion des grains le chiffre 69 X 10 22. D’autres déterminations de N, qui découlent de l’étude de phénomènes entièrement différents, concordent avec les précédentes. C’est ainsi que l’opalescence manifestée par les fluides au voisinage du point critique a conduit, pour l’éthylène, à une valeur de N égale àlSx 10 22, et que l’observation du bleu du ciel permet d’assigner à N une valeur comprise entre 45X1022 et loXlO*2. Le spectre du « corps noir », ou « radiateur intégral », conduit pour X à la valeur 64 X 10 22 ; et la mesure de la charge électrique de sphérules dans un gaz et dans un liquide soumis à l’action d’un champ électrique donne le chiffre 67xlO23. Enfin, les phénomènes de radioactivité apportent, comme on pouvait s’y attendre, un concours précieux. La charge élémentaire (d’électricité positive) que possède un projectile d’hélium provenant de la désintégration du radium a été mesurée par Rutherford. On en déduit N = 62 x 10 2a. Le dénombrement direct des molécules monoatomiques d’hélium dégagées, pendant un temps donné, par une masse connue de radium, indique 65 X 1022. La mesure de la quantité de radium disparue pendant une seconde donne TlxlO22. Enfin la