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à une représentation anatomo-physiologique des phénomènes psychiques. Ainsi la connexité des fonctions correspond à des connexités anatomiques. La supériorité de l’homme sur l’animal s’explique par le développement qu’acquiert chez lui le lobe frontal. Il suit de cette conception qu’on n’est pas autorisé à grouper les phénomènes psychiques en facultés : la mémoire, l’attention, le jugement sont des attributs communs aux facultés fondamentales et ne peuvent avoir leur organe propre. Il faut distinguer par exemple, plusieurs mémoires. Peut-être même pourrait-on être amené à considérer chaque « fibrille nerveuse, soit dans les nerfs, soit dans le cerveau, comme un petit organe particulier ». La doctrine de Gall, qui a eu, comme le montre M. Blondel, une influence considérable sur le développement de la physiologie et même de la psychologie au xixe siècle, méritait d’être étudiée avec soin, et il faut savoir gré à l’auteur d’avoir extrait de cette œuvre volumineuse un exposé clair, précis et substantiel.

Logik der reinen Erkenntnis, par Hermann Cohen (System der Philosophie, 1. Teil), éd. revue, corrigée et augmentée. 1 vol. gr. in-8, de xxv-512 p., Berlin, Bruno Cassirer, 1912. — Cette deuxième édition de la magistrale Logique de la Connaissance pure de M. Hermann Cohen est ornée d’un beau portrait de l’éminent penseur de Marbourg. En cette Logique qui est, à notre sens, l’œuvre capitale de M. Cohen et l’une des cinq ou six manifestations éminentes du génie philosophique allemand, s’unissent au bel élan de l’idéalisme post-kantien une rigueur méthodique et une passion de l’exactitude dans les notions dont l’esprit allemand semblait avoir depuis Kant quelque peu oublié la nécessité. Nous ne saurions songer à résumer ici ce beau livre qui ne révèle sa richesse qu’à une étude consciencieuse et attentive ; il a d’ailleurs été l’objet, dans la Revue de Métaphysique et de Morale (septembre, 1910 ; vol. XVIII, pp. 671-679), d’un article de M. Kinkel. Disons seulement que cette seconde édition est tout autre chose qu’une simple réimpression. Elle a été l’objet d’une révision attentive, et elle est considérablement augmentée (de près de 100 pages ; la pagination ancienne est conservée en marge, de manière à rendre utilisable le précieux index qu’a établi, pour l’ensemble du System der Philosophie, M. Albert Görland). M. Cohen n’a pas manqué de tirer profit de certaines idées toutes récentes émises en mathématiques et en physique générale, ou de discuter certaines théories nouvelles : c’est ainsi que l’on trouvera des développements intéressants sur le problème de l’irréversibilité (p. 293), sur les idées de Hertz, de Boltzmann et d’Einstein (p. 293 et suiv.), sur le néovitalisme (p. 345), etc.

Wissenschaftslehre, par Bernard Bolzano, nouvelle édition par Alois Höfler, vol. 1. 1 vol. in-16, de 571 p., Leipzig, Félix Meiner, 1914. — Cette très utile réédition des œuvres de Bolzano reproduit, comme les autres volumes de la même collection (Hauptwerke der Philosophie in originalgetreuen Neudrucken) l’aspect extérieur, le format, le papier et les caractères de l’édition princeps. En dehors de cet intérêt en quelque sorte archéologique, cette réimpression en présente un autre, plus considérable, un intérêt philosophique : les ouvrages de Bolzano étaient devenus à peu près introuvables, et il faut être reconnaissant à la Kant Gesellschaft, à la Société pour l’encouragement de la science, de l’art et de la littérature germaniques en Bohême, et à la Société de philosophie de Vienne d’avoir entrepris cette édition nouvelle dont la direction est confiée à M. Alois Höfler. On est surpris en étudiant les œuvres de Bolzano, œuvres philosophiques ou œuvres mathématiques, et tout particulièrement cette logique, publiée en 1837, de trouver en Bolzano un contemporain, tout proche de nous, et tellement en avance sur la science et la philosophie de son temps qu’il semble qu’il ait anticipé quelques-unes des directions les plus récentes qu’ont prise dans ces dernières années les sciences exactes et l’épistémologie. C’est sans doute ce qui explique que, méconnu de son vivant, il ait été pour ainsi dire découvert par les mathématiciens et les philosophes contemporains qui lui ont consacré de nombreuses et importantes études, par Höfler, Twardowski, Husserl, Meinong, Kreibig, Marty, Bergmann, Stumpf et bien d’autres. L’époque où le psychologisme a régné en maître dans la logique et la théorie de la connaissance ne pouvait être favorable à un philosophe qui reprenait et développait la doctrine leibnizienne des vérités en soi ; mais aujourd’hui où le règne du psychologisme semble bien terminé, où l’on s’attache de tous côtés à découvrir les éléments a priori de la connaissance et de nos jugements de valeur, la signification extra-psychologique ou supra-psychologique des objets de la pensée et des vérités, il n’est pas étonnant que l’on revienne au Leibniz autrichien et que la curiosité s’attache à