Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond intérêt. Nous allons essayer de résumer brièvement les idées principales qu’il contient. On sait que, selon que l’avenir d’un système dépend exclusivement de l’état actuel et de l’état infiniment voisin, ou dépend des états antérieurs, le système est dit non héréditaire ou héréditaire. L’astronomie classique fournit des exemples connus de problèmes non héréditaires ; on trouve dans la physique moléculaire des exemples du second cas. Par exemple la déformation d’une barre élastique dont l’une des extrémités est fixée, l’autre chargée de poids, ne dépend pas uniquement de la charge actuelle que supporte la barre, elle dépend des charges antérieures. Un exemple pratique est celui d’un pont métallique qui ne se déforme pas sous l’action d’une charge de la même manière lorsqu’il est neuf ou lorsqu’il est en usage depuis quelque temps. Les phénomènes d’hystérésis magnétique sont également des phénomènes héréditaires. Or, M. Volterra, grâce à sa conception des fonctions de lignes, a pu élaborer une méthode permettant de traiter mathématiquement les problèmes héréditaires. Le nouvel algorithme permettra d’exprimer précisément que la fonction inconnue dépend de tous les états antérieurs. Les équations auxquelles on aura affaire ne seront plus, comme dans le cas non héréditaire, des équations différentielles ou aux dérivées partielles, mais selon les cas des équations intégrales ou intégro-différentielles. Nous rappelons que la conception même de la mécanique héréditaire a soulevé des objections, de M. Painlevé notamment. Nous n’avons pas à examiner ici la portée exacte de ces critiques dont le but n’est certainement pas de chercher à faire écarter des méthodes qui s’imposent par leurs succès éclatants dans de nombreux domaines.

Introduzione allo Studio della Filosofia Indiana, par Luigi Suali (Biblioteca di filosofia e pedagogia, dir. de G. Villa e G. Vidari. N. 7), 1 vol. , de xvi-478 p., Pavia, Mattei e C., 1913. — L. Suali, formé aux méthodes les plus rigoureuses de critique intelligente et d’érudition sûre sous la direction de Jacobi, s’est conquis une place éminente parmi les sanscritistes voués à l’étude de la philosophie indienne, grâce à maints travaux consciencieux et méritoires, entrepris en des domaines peu explorés, tels que le matérialisme des Cārvākas et surtout le Jainisme. Jusque dans le présent ouvrage, qui paraît être, et qui est à certains égards, un livre d’exposition générale, l’auteur a fait œuvre neuve et personnelle. En effet, il ne s’agit point ici d’un aperçu d’ensemble sur la spéculation de l’Inde, mais uniquement d’un système particulier de philosophie, le Nyāya-Vaiçesika, dans lequel même on n’envisage que l’épistémologie de la logique : regrettons que rien dans le titre, pas même un sous-titre, n’indique le contenu véritable du livre. Pourtant, comme les théories en question s’imposèrent à la plupart des écoles, brahmaniques ou bouddhiques, et devinrent pour ainsi dire le patrimoine formel commun à toute la pensée d’une immense civilisation, on conçoit que leur étude puisse constituer une initiation préalable utile à acquérir avant tout essai de compréhension des diverses systèmes en ce sens nous avons bien affaire à une Introduzione. Les pandits ne rompent-ils pas leurs disciples aux exercices logiques avant de leur révéler des dogmes, de même que nos écoles gréco-romaines ou médiévales assouplissaient les esprits à la syllogistique, à la dialectique et à la rhétorique, avant de leur infuser des théories ou des croyances ? Montrons toutefois que le travail de Suali est plus et mieux qu’une Introduction. — Jamais encore le Nyāya et le Vaiçesika n’avaient fait l’objet d’une étude aussi exhaustive, traitée selon les méthodes européennes. La préface de Bodas au Tarkasaṃgraha, quoique très riche en renseignements de toute nature, restait artificiellement didactique. Un remarquable article de Jacobi (Indische Logik, Nachr. d. K. Gesell d. Wiss zu Gôtling phil.-hist. K., 1901) fournissait un résumé magistral, mais un simple résumé. Le récent Hindu Realism de J. C. Chatterji (Allahabad, 1912). corrigeait l’interprétation courante de certaines catégories, admise d’ordinaire sur la foi de Colebrooke, mais n’examinait que la métaphysique du Nyāya-Vaiçesika, non sa logique. Le seul ouvrage étendu et approfondi qui puisse être mis en parallèle avec celui de Suali est le travail de Stcherbatsky sur Dignāga, Dharmakīrti et Dharmottara (L’épistémologie et la logique chez les Bouddhistes ultérieurs, Saint-Pétersbourg, 1909, IIe Part.), dont une traduction française préparée par Mme I. de Manziarly et P. Masson-Oursel, doit paraître avant un an (Paris, Annales du Musée Guimet) ; mais tandis que dans ce dernier ouvrage l’épistémologie et la logique de l’Inde sont considérées comme gravitant autour de l’idéalisme du Bouddhisme postérieur, dans le premier elles sont envisagées principalement en fonction des systèmes Nyāya et Vaicesika. D’ailleurs l’originalité du volume italien