d’unicité ne découle pas des concepts de la mathématique pure ou d’une logique abstraite, mais de la logique concrète ou transcendantale au sens kantien du mot, des lois du jugement d’existence, de la logique de l’existence qui est la vraie et suprême logique. D’où la nécessité d’un nombre limité de dimensions ; les dimensions ne sont en effet que des fragments de déterminations ; et rien n’est déterminable avec des fragments infinis de déterminations (p. 305). La limitation nécessaire s’effectuera d’après ce principe : on n’admettra. que le nombre de déterminations nécessaire et suffisant pour construire un système unique, fermé, homogène et constant, de détermination spatiale : c’est la limitation même adoptée par la géométrie d’Euclide et la physique de Newton, la limitation aux trois dimensions de l’espace euclidien (p. 306). Natorp ne veut pas prouver l’impossibilité logique d’un espace à plus de trois dimensions, mais bien que,
si i’ori admet plus de trois dimensions, on est conduit à une détermination infinie qui rend impossible la détermination d’existence (p. 307, note). Il ne rejette pas la « mathématique des espaces généraux », mais la « métaphysique » de ces espaces, la métagéométrie qui est fondée sur les hypothèses a priori de l’empirisme et du réalisme (Bemargues critiques sur la métaphysique des espaces non-euclidiens, p. 30931 S).
Enfin le vii° et dernier chapitre de l’ouvrage étudie l’ordre temporel et spatial des phénomènes et les principes mathématiques de la science de la nature. Le temps et l’espace absolus, purs, mathématiques de Newton n’existent pas. Et ce n’est pas là, comme le montre fort bien Natorp (p. 327-332), une concession contrainte du criticisme à l’empirisme, mais une affirmation qui lui est propre. Le temps et l’espace absolus sont de purs êtres de raison, ils n’ont pas d’existence empirique, ils ne sont pas des données empiriques. Le temps, l’espace, n’est pas une détermination de l’objet en soi, mais seulement un moyen « méthodique » propre à déterminer l’objet dans l’expérience. La question de savoir s’il y a un ordre unique des choses existantes, des séries de changements prises ensemble, se ramène à
celle-ci Ce que nous appelons nature » a-t-il une existence? Cet ordre fonctionne! unique du devenir existe-t-il? L’existence existe-t-elle? Le temps absolu, l’espace absolu, n’est pas un objet d’expérience, le concept d’un objet réel, mais une idée pure, nécessaire comme telle (p. 337). La série temporelle d’existence est posée ou construite dans la pensée de telle sorte qu’à un élément simple du temps ne soit coordonné qu’un seul élément simple de l’existence. La succession objective du devenir est une construction de la connaissance. A la suite de réflexions profondes, que nous ne pouvons résumer ici, Natorp, de la nécessité: logique de déterminer en un seul sens l’être par rapport au temps et à l’espace, tire la grande loi qu’il formule ainsi (p." 349) tout changement qui- se produit dans l’espace et dans le temps n’est qu’un changement de place, un changement de situation réciproque des éléments, toujours les mêmes, de ce qui
existe. Ce qui existe doit donc être posé, en dehors de ce changement de place, comme ï’MniuaMef puisque nécessairement déterminé d’une manière unique. Autrement dit, Natorp fait l’hypothèse d’une substance du devenir qui se conserve immuable, d’une réalité toujours identique à elle-même, non devenue, indestructible, non susceptible d’accroissement ni de diminution, soustraite à tout changement de qualité, d’un contenu de l’espace mobile dans l’espace tel est le fond exact de la théorie cartésienne d’après laquelle la substance corporelle doit être définie exclusivement par l’existence dans le temps et l’espace (p. 381). Pour Natorp, cette substance qui se conserve toujours dans l’espace et change seulement de lieu n’est autre- chose que ce qui est saisi dans le concept iVënergie, opinion qui lui parait corroborée par l’effort des physiciens modernes (Mach, Piancli), pour substituer àla mécanique des masses une mécanique de l’énergie pure. Dire que l’énergie est le facteur ultime de la nature, c’est dire qu’il n’y a d’autre conservation dans la nature que la conservation de la quantité fondamentale de changement (p. 353). Par là Natorp reprend cette idée d’EugêneJJuhring, que l’on a introduit les énergies potentielles pour établir dans le calcul l’identité de la quantité fondamentale de changements et pour permettre d’appliquer partout le principe a priori de l’égalité de la cause et de l’effet.
Natorp tire encore des lois de la connaissance une série d’autres déterminations (fondement logique delà loi d’inertie qui est une loi exacte et non empirique: interprétation des trois lois de Newton, p. 3tH; remarques sur la masse). Les lois de la mécanique n’ont pas pour objet de décrire directement et comme tels les mouvements dans la nature, mais elles formulent les hypothèses générales qui seules rendent possible une représentation théorique des mouvements quant à leur coordination (p. 367)..