diffère donc de l’art en deux points essentiels : d’abord, elle s’appuie sur la science, l’enveloppe et la suppose ; puis elle implique l’épreuve de vérification proprement dite » ; enfin l’effort pour faire entrevoir, au delà des résultats aujourd’hui atteints par M. Bergson et comme une conséquence dernière de l’application de sa méthode, l’affirmation la plus nette de la transcendance religieuse.
Solidarité, par Léon Bourgeois, 7e éd. revue et augmentée ; 1 vol. in-8o de ii-294 p., Paris, Armand Colin, 1912. — Cette nouvelle édition atteste le succès obtenu par la doctrine de M. Bourgeois. Depuis la publication, en 1896, des quatre études réunies sous le titre de Solidarité, cette doctrine n’a cessé de s’enrichir, dans la pensée de son auteur, de points de vue et de corollaires nouveaux, en même temps que les applications pratiques s’en multipliaient, dans la vie sociale, soit par des mesures législatives, soit par des œuvres nouvelles de solidarité et de mutualité : M. Bourgeois a eu la fortune, assez rare de nos jours, d’attacher son nom à une doctrine morale, et de doter tout un parti d’une idéologie, d’une philosophie originales. C’est cette philosophie que l’on retrouvera, une et cohérente, dans les développements divers que lui a donnés, en diverses occasions, son auteur. À la suite de l’étude de 1896 on lira les rapports lus en 1900 par M. Bourgeois au Congrès international d’Éducation sociale, sur la solidarité dans ses rapports avec la justice et la liberté ; les conférences faites en 1901, 1902 et 1903 à l’École des hautes études sociales sur l’idée de solidarité et ses conséquences sociales (la justice sociale — la dette sociale et le quasi-contrat social, les risques sociaux et l’assurance sociale — les applications sociales de la solidarité), avec le compte rendu des discussions auxquelles ces conférences ont donné lieu. Plus récent est le rapport présenté au VIIe Congrès de l’Institut international de Sociologie à Berne sur les Limites sociales de la solidarité. M. Bourgeois constate la décadence du vieil esprit individualiste, les progrès de l’esprit d’association, la multiplication des cartels, des trusts, des sociétés mutuelles et corporatives, des syndicats ouvriers et patronaux : « Chacun des groupements ainsi constitués est animé d’un esprit de corps particulier souvent exclusif, et se réclame, pour légitimer ses actes, des principes de la solidarité » (p. 288). Or il arrive que ces actes corporatifs troublent la vie nationale, compromettent la sécurité et la prospérité du pays. Le promoteur de la doctrine de la solidarité se devait donc d’examiner si de telles entreprises peuvent légitimement se réclamer de l’idée de solidarité, s’il n’y a pas là, au contraire, « une méconnaissance profonde des lois de justice mutuelle et d’harmonie organique qui conditionnent la solidarité sociale ». Et il ne pouvait pas ne pas observer que si, dans chaque corporation, l’intérêt général du groupe doit prévaloir sur l’intérêt égoïste de chacun de ses membres dans l’ensemble de la vie sociale l’intérêt général du groupe total ne saurait non plus être sacrifié à l’intérêt égoïste de l’un ou de plusieurs des groupes partiels ; la loi de justice mutuelle doit se soumettre l’égoïsme collectif aussi bien que l’égoïsme individuel. Peut-être pourrait-on trouver inexacte l’expression de « limites » de la solidarité, quand il s’agit, comme ici, non point d’une restriction quelconque apportée au principe de la doctrine solidariste, mais tout au contraire d’un corollaire immédiat et essentiel de ce principe.
Sancti Thomæ Aquinatis Quæstiones Disputatæ. De Anima, par F. Hedde. Édition nouvelle avec introduction et notes. 1 vol. in-16 de 48-348 p., Paris, Lecoffre, 1912. — Cette réédition d’un opuscule célèbre de Saint Thomas a été faite pour des étudiants et spécialement en vue de l’enseignement. L’introduction qui la précède se limite donc à des considérations assez générales et à un résumé sommaire du De anima. Les notes qui accompagnent le texte ont également le caractère élémentaire qui convient à un livre scolaire, ce qui ne veut pas dire que toutes soient inutiles même à un lecteur déjà quelque peu familier avec la doctrine de Saint Thomas. Cependant l’érudition de ce commentaire est parfois un peu flottante, et il se pourrait que la simplification n’ait pas toujours été volontaire. On aurait aimé que des nombreux « quidam dicunt » dont le texte est semé quelques-uns au moins fussent déterminés. L’une des grandes difficultés de Saint Thomas est l’ignorance où nous sommes souvent des doctrines qu’il réfute ; un commentaire ne saurait être vraiment utile s’il ne s’efforce pas de les retrouver et de nous les faire connaître. C’est qu’en réalité l’auteur envisage plus volontiers Saint Thomas par rapport au temps présent que par rapport à celui dans lequel il a vécu. Et c’est ce qui explique le peu de familiarité qu’il semble avoir avec la philosophie médiévale. Il en est réduit à conjecturer que la doctrine d’une âme composée de matière et de forme était