Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1912.djvu/16

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réellement des choses (p. 7). — La perception, premier degré de la connaissance, n’est qu’une espèce particulière de jugement ; la connaissance est la plus parfaite espèce de croyance ; le jugement est toujours, contrairement aux théories d’Aristote, Locke et Kant, l’affirmation de l’existence ou de la non-existence de quelque chose par l’esprit (p. 9). Il est faux que toute proposition soit l’expression déterminée d’un jugement : il y a des propositions purement énonciatives de pensées ou de représentations, d’autres affirmatives. Il est faux que toute proposition affirme ou nie une chose d’une autre, car l’existence n’est pas une chose (p. 10 ; cf. distinction des propositions présententielles et inhérentielles). — Le savoir est une croyance absolue et bien fondée : l’homme peut être sûr de quelque chose qui est faux, auquel cas il ne sait pas, mais est dans l’erreur : pourtant l’homme à l’entendement mûri et sain est capable de savoir et de savoir qu’il sait ; tout acte de pensée n’est pas un acte de savoir, n’a pas un objet réel qui lui corresponde (p. 15). La vérité est l’accord avec les choses, selon la formule fameuse de saint Thomas (p. 15). Le réel, le fait, c’est ce qui existe (p. 16). — Toutes les vérités universelles sont hypothétiques, ce sont des constructions de la pensée formées par l’esprit pour servir de règle aux jugements : car rien ne peut réellement exister sinon en un lieu et un temps déterminés, avec distinction numérique et particularités individuelles (p. 17). Les universaux sont des entités impossibles, toute chose existante est individuelle. — Toute énonciation universelle est une proposition hypothétique : son sujet est l’antécédent et son conséquent le prédicat d’une inférence. — La perception sensible est un acte purement intellectuel : les sujets suprasensibles sont donc pour nous perceptibles aussi bien que les objets sensibles : toute perception, produit de la faculté de l’entendement, est absolument distincte tant des mouvements de l’âme que de l’activité nerveuse (p. 20). — Les formes fondamentales de la connaissance doivent représenter les éléments fondamentaux de l’être (p. 27). — Il y a deux espèces de substances : âme et corps, matière et esprit ; toutes les substances remplissent ou pénètrent l’espace, même les substances spirituelles : la doctrine cartésienne de l’inextension de la substance pensante est contraire à la raison et à l’expérience (p. 29). — L’espace et le temps ne sont pas relations, mais fondements de relations (p. 30) : ils sont perçus aussi bien que les objets. — Lois des conditions : Tout ce qui existe existe en relations nécessaires avec d’autres choses ; des choses de même nature existent dans les mêmes conditions nécessaires (p. 50).

Le reste de l’ouvrage est un résumé de logique formelle où l’on trouvera quelques remarques intéressantes sur la contingence intuitive et inductive, sur la possibilité (pp. 54-61), sur la conversion des propositions (pp. 63-64), sur la conclusion (p. 67), sur les figures et les modes du syllogisme. Le grand reproche qu’on peut faire à M. Hamilton est qu’il laisse obscures les idées mêmes de perceptionalisme et de modalisme, qui tantôt apparaissent comme synonymes de théorie de la connaissance et de logique, tantôt comme désignations de théories propres à l’auteur.

Abriss der Geschichte der Philosophie, par Ch. J. Deter, 10e et 11e éd. remaniées par M. Frischeisen-Köhler, privat-docent à l’université de Berlin. 1 vol. in-8 de vi-192 p. Berlin, Weber, 1912. — Nous avons signalé la neuvième édition de ce bon petit manuel d’histoire de la philosophie (Rev. de mét., mai 1910, supplément, p. 18). Dans cette édition nouvelle et profondément remaniée, les diverses interprétations des grandes philosophies du passé sont développées avec plus de détail et l’état actuel des recherches qui leur ont été consacrées est brièvement indiqué. Signalons, parmi les additions faites dans ce nouveau tirage, les pages consacrées aux conceptions nouvelles de l’histoire de la philosophie, celles de Windelband et de l’école de Marbourg (p. 4-5), à l’interprétation du spinosisme (p. 90), du leibnizianisme (p. 93-94), du système de Schopenhauer (p. 152), à MM. Bergson et Poincaré (p. 171), à la philosophie catholique contemporaine dont M. Frischeisen rattache la stérilité à la rénovation du thomisme par l’encyclique Æterni Patris (p. 177). Nous avions remarqué la place vraiment trop mesurée faite par l’auteur à la philosophie française contemporaine ; nous avions noté aussi que, dans la bibliographie, des ouvrages fondamentaux d’historiens français étaient oubliés, tandis que des articles assez insignifiants d’écrivains allemands étaient cités. Nous ne pouvons que renouveler ici ce double regret, et nous étonner de n’avoir pas trouvé parmi les références bibliographiques les Sceptiques grecs de Brochard, le Saint Thomas de M. Sertillanges, le Böhme de M. Boutroux, le Descartes de Hamelin, le Spinosa de M. Delbos et celui de M. Brunschvicg, le Jacobi de M. Lévy-Bruhl, le Fichte de M. Léon, le Feuerback de M. Lévy, etc. Des oublis aussi graves et aussi nombreux suggèrent l’idée d’un