Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1912.djvu/19

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l’intellectualisme, dans l’agnosticisme, le néo-criticisme, l’empirio-criticisme et le néo-hégélianisme anglais ; puis les trois formes principales de réaction, c’est-à-dire la nouvelle philosophie française, le pragmatisme anglo-américain, et la philosophie des valeurs ; enfin les doctrines restées fidèles à la vieille tradition intellectualiste (Schuppe, Cohen, Nouvelle École de Fries, Meinong). Dans une deuxième partie plus brève, il examine les essais de révision critique qui se sont produits dans le domaine spécial des théories scientifiques, mathématiques et physiques.

M. Aliotta conclut que les doctrines contemporaines qui s’opposent à l’intellectualisme ont le mérite d’avoir proclamé, contre les intempérances du matérialisme scientifique et la froide indifférence du positivisme agnostique, les droits du sentiment et de la volonté, mais que, d’autre part, elles se sont laissé entraîner trop loin par le mouvement de réaction. Pour lui, il n’accepte ni le pragmatisme, ni l’intuitionisme ; mais il n’accepte pas davantage l’intellectualisme entendu en un sens étroit, sous la forme excessive qui conduisit à la réaction. « Restaurer la plénitude de la personnalité consciente, reconnaître aux trois fonctions fondamentales de l’esprit une valeur propre et autonome, en cherchant dans l’unité du sujet humain leur synthèse concrète : telle est, à son avis (p. 526), l’unique manière efficace d’apaiser la lutte séculaire des puissances spirituelles en conflit. » L’effort personnel de M. Aliotta, par opposition à ce que l’on peut appeler le romantisme philosophique contemporain, consiste à revendiquer les droits de l’intelligence et a défendre sa valeur propre. La raison reste l’organe de la philosophie ; et elle a pour tâche d’extraire de toutes les données de divers ordres une synthèse supérieure, pour les transformer en une idée qui comprenne dans son universalité toutes les manifestations de l’être et les contemple sous l’aspect de l’éternité.

Ce travail remarquable témoigne d’une vaste et solide documentation ; il se distingue par la clarté de l’exposition et la vigueur de la discussion. On pourrait trouver sans doute que le point de vue spécial de l’auteur ne permet pas toujours de rendre pleine justice aux théories examinées, et que ses critiques bien souvent ne serrent pas d’assez près les problèmes. Mais cet ouvrage n’en est pas moins une très utile contribution à l’étude du mouvement intellectuel contemporain, et il constitue pour son jeune auteur un excellent début, plein de promesses pour l’avenir.

L’Infinito, par Luigi Botti. 1 vol. in-8 de 529 p. A. F. Formiggini, Gênes, 1912. — L’auteur a réuni avec intelligence un grand nombre de matériaux utiles sur ce vaste sujet. Il a beaucoup utilisé notamment les ouvrages de H. Cohen et de Jonas Cohn ; et il suit de près les considérations et les conclusions de V. Wundt (Cf. pp. 68, 206-227, 440-529.)

Étudiant successivement l’infini dans la nature et dans la science, l’infini de la connaissance théorique, et l’infini mathématique, il aboutit à un point de vue nettement psychologique, et il conclut ainsi : « L’infini est au fond un processus de pensée, et il est, comme tel, interminable, en tant qu’il est activité volontaire. Ce caractère volontariste devient d’autant plus évident, que les termes constitutifs sont plus rigoureusement synthétisés et abstraitement déterminés » (p. 528).

Il y aurait bien des observations à faire, si l’on voulait entrer dans le détail. Les données accumulées ne sont pas assez élaborées, ni ramenées à une systématisation concise et rigoureuse. Pourtant cet ouvrage pourra rendre des services, à titre de revue générale de la question ; il serait seulement désirable qu’il fût muni d’un bon index alphabétique des noms et des matières.

Sigieri di Brabante nella Divina Commedia e le fonti della filosofia di Dante, par Bruno Nardi. 1 vol. in-8 de viii-72 p., chez l’auteur, Spianate (Pescia), 1912. — Cet opuscule est la réimpression d’articles publiés dans la Rivista di filosofia neo-scolastica (avril et octobre 1911 ; février et avril 1912) et se présente comme une contribution à l’étude des sources de la philosophie de Dante. Son point de départ est le texte du Paradis qui place dans le cercle des docteurs illustres, à côté de Thomas d’Aquin, Pierre le Lombard et du pseudo-Denys, un certain Siger qui ne serait autre que Siger de Brabant. Comment concilier cette citation et les éloges décernés au théologien averroïste avec la thèse généralement reçue qui fait de Dante un disciple fidèle de Thomas d’Aquin ? Mandonnet, constatant que « toute la philosophie de Dante est la contradiction même de celle d’Averroès », en conclut qu’il n’était pas renseigné sur les œuvres de Siger. L’auteur en conclut au contraire que Dante fut moins fidèle qu’on ne l’affirme à la doctrine de Thomas d’Aquin et qu’il subit fortement d’autres influences. Pour établir cette thèse il montre que la doctrine d’Averroès a pu venir à la connaissance de Dante