Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1913.djvu/31

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31 vie sociale, comme ils n’ont pas entendu affirmer que l’économie fût seule réelle et seule efficace, tous les autres phénomènes sociaux n’étant dès lors que de vaines apparences. On peut certes relever dans les écrits de Marx et d’Engels – et M. Mondolfo ne s’en fait pas faute plus d’une expression qui tendrait à en faire les adeptes d’un déterminisme fataliste et d’un monisme économique, mais ces expressions répugnent à l’esprit véritable et a la logique du système marxiste, et l’interprète du matérialisme historique ne doit pas se laisser hypnotiser par elles. Le grand mérite de M. Mondolfo est justement que les arbres ne l’ont pas empêché d’apercevoir la forêt. Dans un dernier chapitre, l’auteur discute le reproche « d’immoralisme » souvent adressé à Marx et à Engels, et il essaie de démontrer que, lorsque ceux-ci paraissent déprécier les idées morales, lorsqu’ils leur refusent par exemple le caractère de vérités éternelles ou lorsqu’ils les ramènent à des intérêts de classes, ils se placent à un point de vue historique et sociologique qui ne préjudicie en rien à une appréciation morale des mêmes idées considérées sous un point de vue dili’érent c’est tantôt l’origine et tantôt la valeur des notions morales qui est en jeu, et ce que Marx et Engels disent de leur origine ne permet pas de préjuger ce qu’ils pensent de leur valeur. Nous pensons que cette explication, d’ailleurs très ingénieuse et qui renferme certainement une large part de vérité, ne permet pourtant pas de contester que l’ « ;rrrrUr,vIismP et l’ « immoralisme » aient joué un rôle dans la pensée marxiste. Mais il est hors de doute que, malgré leurs attaques contre Futopisme et l’humanitarisme, Marx et Engels ont été très souvent mus par des préoccupations pureruent morales; leurs conceptions économiques elles-mêmes n’ont pas échappé à cette influence: l’une des parties les plus neuves et les plus intéressantes du livre de M. Mondolfo est celle où il montre que la théorie même de la plus-value a une signification juridique et morale, et non pas seulement ni même principalement économique (p. ’A’ï-i et suiv.) elle se ramène à cette croyance que la personne n’est pas une marchandise, mais que l’homme a droit à la liberté. Le matérialisme historique aboutit à une morale de la personnalité dans laquelle la tin de l’histoire est l’instauration du règne humain, le « saut de la nécessité dans la liberté dont parle Engels dans l’Antidulirinr/. Par là Marx et Engels sont vraiment les héritiers de la grande tradilion idéaliste et spiritualiste qui va de Descartes à Hegel en passant par Fichte et Schelling et ce n’est certes pas le moins important résultat du livre de M. Mondolfo que de réintégrer ainsi le marxisme dans l’histoire de la philosophie. La philosophie n’y perd pas, et le marxisme y gagne. REVU ES ET PÉRIODIQUES L’Année philosophique, publiée sous la direction de F. Pillon, vingt-troisième année, 1912, 1 vol. in-8 de 296 p., Paris, Alcan, 1913. Victor DELBOS. La. doctrine spinozisle des attributs de Dieu (1-18). La difficulté de cette doctrine est célèbre; l’intelligence en implique une conception de tout le système. M. Delbos montre, avec une précision et une pénétration qui donnent au lecteur une impression de sécurité complète, que l’interprétation idéaliste d’Eduard Erdmann et l’interprétation dynamiste de Kuno Fischer méconnaissent la complexité du spinozisme. Ce qui l’ait l’originalité de l’Éthique, c’est un double effort, d’une part pour rendre intelligible Dieu gràce aux attributs, et d’autre part pour fonder en Dieu leur unité dont les attributs, pris en euxmêmes et dans leur réalité intrinsèque, ne peuvent naturellement pas rendre compte. GEORGES LECHALAS. Le Nouveau Temps. (19-44). – Discussion de la thèse que M. Langevin a fait connaître à nos lecteurs dans le n° de la Bévue de juillet 19M. M. Lechalas montre avec beaucoup de clarté et de subtilité comment les paradoxes déduits par M. Langevin de la fameuse expérience de Michelson et de Morley pourraient être évités si l’on partait « d’un système de référence en repos par rapport à ce milieu qui transmet la lumière, par rapport à l’éther pour employer le mot consacré ». Par là même il est porté à examiner la confiance que l’on peut avoir dans le principe de relalivité, tel que M. Langevin le formule d’après Einstein. Seulement n’est-ce pas l’échec auquel on s’est heurté quand on a voulu déceler l’existence d’un mouvement par rapport à l’éther, qui a inspiré la thèse de la mécanique nouvelle? De telle sorte qu’en fin de compte la question à débattre entre savants et philosophes est bien celle-ci A-t-on le droit de faire fond sur le résultat négatif d’une expérience au point de reviser le système des notions fondamentales de la science? ou bien est-on autorisé à passer