Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1907.djvu/28

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comportent-elles la méthode génétique ? L’auteur conclut que la morale évolutionniste a cessé d’exister en tant qu’école spéciale ; on n’est plus tenu de se prononcer pour ou contre elle ; elle n’est plus qu’une « méthode de recherche ».

N° 6. L’appréciation et la description de la théorie des valeurs, par M. Wilbur M. Urban. — Münsterberg a établi, comme on sait, une antithèse absolue entre l’appréciation et la description des faits psychologiques. Est-il possible d’exclure rigoureusement la première de la psychologie, d’éliminer toute interprétation des valeurs, alors que celles-ci, en définitive, se traduisent toujours en termes de sentiment et d’effort ? C’est ce que l’auteur ne croit pas, et il tente de trouver un moyen terme entre la méthode téléologique des sciences de la valeur et la méthode descriptive de la psychologie. — Le Moi psychologique et la personnalité actuelle, par M. J. A. Leighton. Essai fort suggestif pour introduire en psychologie la considération de l’histoire. La psychologie génétique, pour atteindre la personnalité, ne peut se borner à envisager l’individu et l’espèce vivante en se tenant au point de vue biologique ; car les éléments caractéristiques de la personnalité sont avant tout sociaux et spirituels, et, par suite, c’est dans le développement des sociétés et de la civilisation qu’il est possible de poursuivre la genèse de la personnalité ; celle-ci se réalisé dans les grands types humains, sur lesquels se modèlent a leur façon les individualités de moindre envergure. La philosophie devient ainsi une interprétation dynamique de l’histoire. — Le concept d’expérience pure, par M. B. H. Bode. Critique du concept d’expérience pure tel qu’on le trouve chez W. James et Dewey. — M. George H. Sabine, l’Empirisme radical comme méthode logique, critique à son tour l’ « expérience pure » de W. James comme indéterminée et inapte à résoudre aucun des problèmes logiques et métaphysiques.

The Journal of Philosophy, Psychology and Scientific Methods, édité par The Science Press Lancaster et New-York, 3e année, octobre 1906 à septembre 1907. — The Journal of Philosophy, dit l’éditeur, n’a pas d’analogue parmi les publications de ce genre. Paraissant tous les quinze jours, il permet la publication rapide de courtes études, d’esquisses plutôt que d’exposés, qui peuvent donner lieu à des discussions. Le fait seul de l’existence d’une pareille revue est intéressant, par la vitalité qu’il suppose dans la pensée philosophique d’outre-mer.

On discute donc beaucoup et ardemment dans le Journal of Philosophy, et la plupart des discussions concernent la doctrine nouvelle qui a tant de succès en Angleterre et en Amérique, le pragmatisme. La question la plus agitée pendant cette année est celle de la vérité : Comment une doctrine qui met au premier plan l’action, la pratique, peut-elle concevoir la distinction du vrai et du faux ? Cette distinction même a-t-elle encore une valeur et une raison d’être ? M. J. Dewey, dans trois longs articles (IV, 197, 253, 309), essaie de définir le Contrôle des idées par les faits. L’idée, selon lui, est une détermination logique, mais finalement pratique dans son origine et sa fonction. — M. W. James, suivant sa coutume, pose le problème très nettement et y répond très franchement (IV, 141. La conception pragmatiste de la vérité, 289, 396). Ce qui définit la vérité d’une idée c’est la possibilité pour elle d’être vérifiée (Verifiability). Sont vraies les idées qui peuvent être vérifiées, fausses celles qui ne le peuvent pas. La vérité n’est pas une propriété inhérente aux idées. L’idée devient vraie, elle est rendue vraie, par les événements : It becomes true, is made true. La vérité, c’est simplement le procès de vérification de l’idée. En dehors des idées, elle n’existe pas plus que la richesse ou la santé n’existent à part des gens qui ont de l’argent, ou des hommes bien portants. C’est simplement le nom collectif de la vérification. Elle est un moyen pour la pensée, mais nous devons être prêts à appeler demain du nom d’erreur la vérité d’aujourd’hui. Ainsi le pragmatiste s’oppose nettement au rationaliste : tous deux pensent, il est vrai, que l’expérience change, mais le second croit qu’il existe une réalité immuable ; pour le premier, au contraire, la vérité même est soumise au changement. — M. Russell, qui, en deux articles pleins de verve et de couleur, s’était déjà raillé du pragmatisme (III, 599, IV, 57), déclarant y avoir cherché en vain un remède à ses doutes philosophiques, conteste ces idées (IV, 289). Il y a, selon lui, une grande différence entre la vérité et la preuve. L’utilité, qui est pour James le critérium de la vérité, est selon lui une notion justifiable de l’intelligence. On peut parfaitement expliquer pourquoi une idée est utile : c’est parce qu’elle est vraie, c’est-à-dire concorde avec la réalité. — M. J. Pratt (IV, 320, La Vérité et sa vérification) refuse au pragmatisme le droit de se servir du concept de « verifiability », qui est, selon lui, très différent de l’idée de vérification, et implique une conception de